Depuis ce soir-là, à The Honor Bar, je ne l'avais même plus revu. Bon, certes, cela ne faisait pas longtemps, mais j'étais parti avant qu'elle ne puisse même se retourner. Je ne l'avais même pas raccompagné, ni suivit pour savoir si elle n'avait pas eu de problèmes. J'étais parti et, j'avoue, j'étais énervé. J'avais passé un bon moment à marcher le long des rues, et j'évitais du mieux que je le pouvais les gens autour de moi. J'étais énervé, ma tête était remplie de pensées s'entremêlant et je n'arrivais à rien. Aucune idée clair. J'avais passé toute ma nuit dehors. Une fois rentré il devait être six heures du matin, et j'étais tellement fatigué qu'une fois écroulé sur mon lit, je ne me réveilla qu'à la fin de la journée. Autant dire que je n'avais rien fais et que mon sommeil en avait été affecté durant deux ou trois jours. Autant dire que mes craintes avaient été vraies. J'avais passé la nuit à me demander si elle était bien rentré, si elle n'avait pas eu de problèmes et ... Si elle n'avait pas été affecté de mon changement de comportement. Je m'en étais voulu. Vraiment. Mais c'était mon moyen de me préserver. Plus je voulais l'aider, plus je m'ouvrais à elle, et plus je le regrettais. Alors j'avais pris la décision de ne plus m'ouvrir ainsi, de ne plus me montrer comme je l'avais été.

Sauf que je n'avais pas arrêté de penser à elle. A ce qu'elle m'avait dit, à ce que je lui avais dis, à son comportement, à ses gestes, à ses réactions. Je l'avais imaginé comme elle s'était elle-même décrite avant que tout ses malheurs ne se produisent. Ca m'avait rendu bien, c'était étrange. L'imaginer sourire me faisait sourire à mon tour. Puis j'avais demandé, par hasard, si quelqu'un connaissait Shanaé McCarty, mais personne autour de moi ne répondit par la positive. J'avais demandé à des gens croisés dans la rue, ou au campus. Mais personne ne pu m'éclairer. J'avais même voulu me rendre à nouveau au bar, mais j'y avais vite renoncé. Puis, finalement, je chercha un peu partout et, grâce à des contacts et à des dossiers qui, normalement, sont confidentiels, je pu obtenir quelque chose à son sujet. Son adresse. J'avais hésité, mais l'avait gardé de côté. Puis me voilà, le lendemain de la trouvaille, à marcher le long des rues histoire de m'y rendre. J'y avais cogité toute la nuit. M'y rendre, ou non ? Ca ne s'imposait absolument pas. Elle allait croire que j'étais vraiment un psychopathe obsédé par elle à force. Mais tant pis, je n'arrivais pas à trouver quelqu'un qui puisse me donner de ses nouvelles, alors j'y allais moi-même. J'avoue que j'étais un peu inquiet à son sujet. Un peu. Bon, beaucoup certes. Alors je devais m'y rendre, une bonne fois pour toute, histoire de ne plus penser à elle.

Mais ce n'était même plus quelques pensées durant la journée. Elle avait occupé toutes mes pensées, toutes. Je ne voulais plus que cela se produise. Alors j'allais m'y rendre, voir qu'elle allait bien, ou du moins physiquement, puis partir après qu'elle m'est claqué la porte au nez, ou encore pire. Puis j'arrêterais d'essayer de la voir. Ou, j'essaierais en tout cas. J'arriva devant chez elle, m'étonna qu'à son âge elle vive seule avec sa fille, et me posta devant la porte. Je resta là, planter devant la porte, à me demander si je faisais une connerie ou non. Si elle me voyait, ce serait la catastrophe. Et puis, fermant les yeux fortement et n'écoutant pas la petite voix dans ma tête qui me hurlait de faire demi-tour, je frappa à la porte. Je ne savais même pas quoi lui dire ! Juste un "tiens t'es en vie, d'accord, cool. Bon bah, salut !" ? Non, bien sûr que non. Je me doutais que de toute manière, une fois devant elle, je ne pourrais pas repartir la minute qui suivait. Je commença à vouloir faire demi-tour, et amorçait même un pas en arrière, avant de me faire stopper par la porte qui s'ouvrait.

Je fis une légère grimace qui ne se vit pas, étant à moitié retourné quand j'entendis le cliquetis de la porte. Je me retourna, et tomba rapidement nez à nez avec Shanaé et sa fille dans les bras. Elle avait les cheveux légèrement humides, sortant sûrement de la douche. Et même comme cela, en pyjama, je la trouvais magnifique.

- Tu me harcèle jusqu’à chez moi maintenant ? Andrew, qu’y a-t-il encore ?

Évidemment, comme je m'y attendais, elle ne semblait pas très ravie de me voir. Il faut dire qu'après nos rencontres précédentes, n'importe qui aurait cessé cela, c'était carrément du suicide. Mais moi, non. Je la regarda un instant. Je m'appuya contre le cadre de la porte avant de prendre la parole.

« J'étais juste venu voir si tu allais bien. »

D'un certain côté, elle semblait plus en forme que la dernière fois, bien moins fatigué et sur les nerfs. Mais je savais bien que ce ne devait pas être facile pour elle, et je le ressentais parfaitement. Je lui fis un bref sourire et me redressa légèrement, avant de m'avancer vers elle, et de la pousser gentiment pour rentrer dans la maison.

« Je peux entrer ? »

Ce n'était même pas une question approprement parlé étant donné que je venais déjà de faire un pas dans la maison. Je m'avança encore et la détailla. Elle est jolie, et on sentait bien qu'elle vivait bel et bien seule ici, avec sa fille. N'avait-elle donc aucun parent ? Aucun ami qui l'aidait régulièrement ? Je me retourna vers elle et capta un regard noir. C'est vrai qu'avec le caractère qu'elle affichait, j'aurais du me douter qu'elle était seule et voulait visiblement le rester. Qu'était-il donc arrivé à ses proches ? Elle devait bien en avoir eu. Ou peut-être était-elle orpheline. Je ne le savais pas sur le moment, et je me voyais mal lui demander. Alors je garda le silence, tournant la tête. Je ne voulais pas voir son regard froid, même si je savais clairement qu'elle allait tout faire pour me mettre à la porte. Alors la laissant sur ses réactions, je parti dans son salon et m'asseya dans son canapé, sans gêne. Je m'y enfonça légèrement. Il était plutôt moelleux. En tout cas il l'était bien plus que ce que j'avais eu chez ma mère, vu nos moyens... Je tourna enfin le regard vers elle et ne prêta même pas attention à ce qu'elle pouvait bien me dire ou faire.

« Alors, comment ça va ces temps-ci ? »

C'était dit sur un ton normal, monotone, comme si j'entamais une discussion banale avec un ami croisé dans la rue. Mais la différence était que je voulais vraiment qu'elle me parle d'elle, même si c'était pour me dire qu'elle était au bout du rouleau. Qu'elle me parle, tout simplement. Je pouvais paraître hautain, fier, sans gêne, mais au fond, je cachais bien la peur que je ressentais et les battements de mon cœur qui, parfois, s'affolaient sans raison.

- Je vis depuis six mois seule Andrew, si tu crois que je ne vais pas bien, tu te fourre le doigt dans l’œil.

Je n'avais même pas prêté attention à ce qu'elle venait de me dire avant que j'entre chez elle. Depuis six mois, que s'était-il passé il y a six mois ? Je garda cette question pour moi et la regarda s'énerver contre moi. Elle était froide, passablement énervé et si elle aurait eu un fusil en main, je suis sûr que je ne ferais déjà plus parti de ce monde. Mais je ne montra rien, je ne bougea pas d'un pouce.

- Ca va, tu t’éclates là ? Maintenant, prends tes clics et tes clacs et tu t’en vas.

Je me contenta de lui sourire, faisant un bref geste de la main pour lui montrer que je restais là quoiqu'elle dise. Je la regarda s'approcher de la porte, me montrant clairement que je n'étais pas du tout le bienvenue. Mais qu'importe, je ne bougea tout simplement pas. Elle ouvrit sa porte et me fit signe de partir. Je voyais qu'elle avait froid mais ne ferma pas la porte pour autant. Je me contenta de croiser les jambes et de me mettre un peu plus à l'aise sur son canapé. Je ne comptais pas partir. Et puis, si je le faisais, à quoi ça rimait ma venue, alors ? Uniquement à m'être fait renvoyé illico presto d'où je venais ? Non, je ne voulais pas que mes recherches et mon inquiétude aient été vaines.

- T'aimerais que je m'incruste comme ça chez toi ? Prends tes humeurs hautaines, qui ne respectent rien et va-t’en ! Je ne veux plus te voir ici Drew !

Drew ?! Je leva les sourcils, surprit de ce surnom qu'elle me donnait. J'oublia ce qu'elle venait de me dire avant, ou plutôt je ne m'en préoccupa pas, restant bloqué sur le "Drew". Peu de personne m'appelait ainsi, et, peut-être que c'était stupide, mais qu'elle m'ait donné ce surnom me rassurait et me faisait sourire. J'aimais bien ce surnom, surtout si c'était elle qui le prononçait. Elle soupira, posa une main sur son visage, comme si elle voulait retirer ce qu'elle venait de dire. Je voyais bien que ce surnom la mettait mal à l'aise, et qu'elle ne voulait absolument pas que j'y prête attention. Pourtant, je ne pouvais pas faire comme si elle n'avait rien dit. Elle s'éloigna, et parti dans une autre pièce, ne me laissant pas le temps de dire quoique ce soit.

Alors je me leva, me dirigea vers la porte. Et la ferma. Peut-être croirait-elle un instant que j'étais bel et bien parti, mais je resta. Je regarda autour de moi, détailla les objets qui s'y trouvaient, puis, finalement, j'alla rejoindre Shanaé. Au départ, ne sachant pas où elle était, j'écoutais tout les bruits pouvant provenir de là où elle était. Je ne voulais pas me balader dans sa maison, même si je m'étais permis d'y entrer sans sa permission. Puis je me dirigea vers une pièce, où je la vis, dos à moi. Je m'approcha doucement, mais mes pas s'entendaient sûrement sur le sol. Je m'arrêta au seuil de la porte et m'appuya contre celle-ci, croisant les bras. Je n'émis aucun son, aucune parole. Je me contentais de la regarder pendant un moment.

« Non, je ne partirais pas. »

Ma voix n'était plus froide, cassante, mais restait sûre d'elle. Elle était douce, je ne voulais pas la laisser ainsi, toute seule face à de la tristesse, à nouveau.

« Tu peux me hurler dessus si tu veux, si cela peut te faire du bien. »

Elle soupirait, et se retourna après avoir déposé sa fille. Elle m'attrapa brusquement le t-shirt, m'entraînant en dehors de la chambre et assez loin pour que sa fille n'entende rien. Surpris je la laissa faire et l'écouta s'énerver contre moi.

- Hurler sur toi ? Pourquoi faire ? T’en as rien à faire que je veuille garder mon intimité et ma vie de famille pour moi puisque tu t’incruste sans même te demander si tu ne me fais pas énormément de mal ! Tu n’as aucun respect. Crois-moi que c’est ce que tu fais là. Je ne crierais pas, non, mais ne compte pas sur moi pour te parler avant un bon bout de temps, c’est certain.

Je soupira en levant les yeux au ciel, la voyant s'éloigner de moi. Oui j'étais rentré dans sa maison sans sa permission, oui j'entrais dans sa vie privée, et, oui, je faisais tout pour être dans sa vie tout court. Mes moyens n'étaient certes pas les bons, mais au fond, je ne voulais pas lui faire de mal en faisant cela. Mais c'était ce que je faisais. Je prononça une brève phrase, sur le même ton que Shanaé, légèrement énervé moi aussi. Parce qu'elle ne me laissait aucune chance, et j'étais lassé de tout ça.

« Évidemment, parce que quoique je dise, quoique je fasse, je te fais du mal ! »

Ma voix était légèrement plus haute que la sienne, mais fit attention à ce qu'elle ne soit pas trop forte histoire que sa fille n'entende pas. Je jeta un œil à Shanaé qui visiblement voulu repartir et ne plus me prêter attention. Je serra les dents et crispa la mâchoire. Je souffla fortement mais me jeta en avant pour attraper un de ces bras et l'empêcher de partir je ne sais où faire je ne sais quoi de banal. Je l'attrapa et la retourna vers moi, histoire qu'elle me fasse face. Le peu de distance que nous avions à ce moment-là me fit déglutir discrètement, mais je ne montra rien et la regarda droit dans les yeux.

« Si je fais ça c'est parce que je veux te comprendre, si je fais ça c'est parce que je veux trouver une solution pour que tu ailles bien, si je fais tout ça c'est pour que tu me donnes enfin la chance de pouvoir t'aider. Je m'y prends mal, certes, mais je n'ai jamais été comme ça. »

J'avais dis tout cela très rapidement, avec une voix basse, grave, comme si je la menaçais alors que je lui avouais ce qui me torturait depuis que je la connaissais. Puis, rapidement, je repris, mais cette fois-ci, avec un débit plus calme, mes mots étaient dit moins durement.

« Je n'ai... Jamais été comme ça avec quelqu'un. »

Je baissa légèrement le regard et desserra légèrement la prise que j'avais sur son bras, histoire de ne pas lui faire mal, mais la garda néanmoins près de moi. Je savais que si je la lâchais, elle en profiterait pour s'éloigner, et me pousser à sortir d'ici. Ou bien elle m'aurait gifler.

Je la lâcha complètement, je ne savais pas quoi dire de plus. Rien que ça avait pleinement ouvert l'accès aux émotions que je voulais bien enfouir au fond de moi. Je vis dans son regard de la douceur, me demandant si au final elle comprendrait ce que je voulais lui faire comprendre. Mais je la vis se refermer à vue d'œil, elle ne voulait rien avoir à faire avec ce que je venais de lui montrer. Et en enlevant mon masque, en lui montrant ce que je pouvais avoir au fond de moi, je lui donna libre accès, et je sentis des sueurs froides me parcourir. J'avais l'impression de m'être prit une gifle, et je recula, comme si c'était réellement le cas. Je me mordis légèrement la lèvre. Puis je la dépassa et me rendit dans la cuisine, facilement trouvable vu que nous n'avions pas été très loin de celle-ci. Je jeta un dernier regard en arrière, voyant Shanaé non loin de moi.

« Qu'avais-tu prévu de te faire à manger ? »

Je resta à la porte de la cuisine, jetant un regard aux ustensiles. Je compris qu'elle voulait se rendre ici, tout à l'heure, quand elle avait voulu partir. Je cuisinais peu, mais je l'avais régulièrement fait quand je vivais avec ma mère. J'aimais bien cuisiner, à vrai dire. Je me retourna enfin vers elle, posté devant elle, les bras croisés.

« Tu peux aller t'occuper de ta fille si tu veux, ou te reposer un peu, regarder la télé, que sais-je. Je vais cuisiner à ta place. Et c'est non négociable. »

Je rajouta rapidement ma dernière phrase, voyant ses prunelles s'assombrirent. Je repris rapidement.

« Écoute, je veux juste que tu prennes du temps pour toi. Ne t'occupe pas de la cuisine. Tu peux au moins me laisser faire à manger, non ? »

Je pencha la tête sur un côté, légèrement penché, un sourire aux lèvres. Je voulais qu'elle prenne du temps pour faire ce qu'elle voulait, qu'elle ne se préoccupe juste pas de la cuisine. Je voulais l'aider, mais surtout, lui montrer que je voulais vraiment le faire. Et que, quoiqu'elle me dise, je ne l'abandonnerais pas. Je voulais vraiment qu'elle le comprenne, qu'elle voit qu'à travers mes faux pas maladroit, je faisais tout ça pour elle à la base. Sinon, je ne serais déjà plus là, devant elle, dans sa propre maison. Si ça avait été une autre fille, j'aurais déjà abandonné. Je ne l'aurais plus vu, je me serais contenté de la fuir, comme à mon habitude. Surtout si cette dite fille se montrait aussi réticente vis à vis de moi, aussi distante et froide. Je n'aimais pas qu'on se comporte ainsi avec moi, mais je savais que pour Shanaé, c'était son moyen de défense. Je ne voulais pas lui faire plus de mal que ce que j'avais fais, pourtant je voulais tout le contraire. J'étais si peu doué ? On dirait bien que oui. Ça en deviendrait presque pathétique, j'étais toujours à côté de la plaque, elle comprenait toujours mes signaux de travers, et me voyait comme je ne voulais pas qu'elle me voit. Comme je ne voulais pas me voir moi-même. Mon reflet dans ses prunelles sombres et froides ne me montrait que cette image, négative.

Elle ne répondait toujours pas, me montrant clairement qu'elle avait bel et bien l'intention de tenir sa parole. Elle m'en voulait et ne voulait plus me parler, et fit comme si je n'existais pas. Je soupira et m'appuya à la porte, la tête contre le mur, regardant le moindre de ses gestes. Je la regarda cuisiner, la vit se couper, mais ne fit aucun geste. Elle ne voulait pas que je sois là, alors je n'allais pas en rajouter. Je la regarda partir, mais ne la suivit pas. Je restais à l'encadrement de la porte. Elle revient par la suite avec sa fille dans les bras, gérant la cuisine et sa fille en même temps. Je ne fis rien, hormis la contempler, la regarder à l'œuvre. Mon cœur se serra quand je me demanda si moi, un jour, j'aurais ce genre de vision de nouveau. J'étais persuadé que non à cet instant là.

Je me redressa un peu et fit quelques pas, les mains dans les poches. J'effleura mon portable ainsi que le paquet de cigarette qui se trouvait dans l'une de mes poches. J'avais envie de fumer. De me détendre et de ne plus penser à rien. Mais je n'en fis rien, étant donné que je devais sortir pour fumer, et ne voulait pas qu'elle en profite pour fermer sa porte. Je m'en voudrais sinon. Je continua à marcher, tournant pratiquement en rond dans un grand espace, passa dans le salon, dans le couloir, puis revint à la cuisine. Elle ne prêtait toujours aucune attention à moi. Aucune. Alors que je faisais l'inverse, la scrutant du regard, suivant des yeux chacun de ses gestes experts. Je me remit contre l'encadrement la porte et souriait, la regardant faire, lâchant par la même occasion un petit "hm" qui passerait totalement inaperçu étant donné qu'elle ne levait même pas ses prunelles noires sur moi. Bon ok, là je devais avouer que je préférais quand elle m'insultait ou me renvoyait balader. Son silence me devenait pesant, je soupira.

« Tu comptes me faire la gueule encore longtemps comme ça ? »

Je voulais qu'elle me parle, qu'elle réagisse, qu'elle me frappe si elle voulait, mais qu'elle fasse quelque chose. Je continua à la regarder cuisiner, me demandant si j'allais rester là, comme un con, à la regarder vivre sa vie habituelle comme si je n'étais qu'un fantôme. Peut-être bien. Mais il allait falloir que je partes un moment ou à un autre. Même si je n'en avais pas vraiment envie, et aucunement l'intention pour l'instant.

« Pourquoi ne peux-tu pas accepter le fait que quelqu'un veuille t'aider ?

Je me demandais bien si elle allait me répondre. Mais je voulais savoir pourquoi, pourquoi elle me repoussait constamment et refusait de se dire que j'étais sincère avec elle. Je le voyais bien et pourtant, je savais qu'au fond, elle me comprendrait un jour.

- Pourquoi je ne veux pas de ton aide ? Parce que tu seras comme tous les autres, pas foutu de ne pas tenir un petit moment sans en avoir mal et me laisser comme une conne en plan, comme tous les autres. J’en ai marre d’avoir mal. Comprends que je ne veux donc plus de ça.

Elle ne me regardait même pas, seule sa fille levait ses beaux yeux vers moi. Alors je détourna mon regard de Shanaé, pour les planter dans ceux de sa fille. Elle était tellement mignonne. Ses yeux étaient identiques à ceux de sa mère, mais ils étaient rempli d'une douce innocence, de tendresse et d'affection. Je lui souris et, ne répondant pas encore à Shanaé, je m'avança vers elle et m'agenouillai à sa hauteur, continuant de lui sourire. J'avais l'impression de cette gamine m'hypnotisait. Elle me souriait innocemment et continuait de me regarder. Je sentis une chose humide s'écraser sur ma main, et c'est en relevant mon regard que je m'aperçus des larmes de la jeune femme. Alors c'était ça. Elle avait peur que je leur ressemble, que je fasse exactement la même chose ? La trahir, l'abandonner ? Comment pourrais-je si elle acceptait mon aide... ? Je ne savais pas quoi lui dire. Elle me croyait comme eux, comment pouvais-je la convaincre du contraire en quelques minutes, même quelques jours ? Ce n'était pas possible, et je le voyais bien. Elle avait trop souffert. Je ne prêta même pas attention à ce qu'elle faisait, alors que d'autres aurait sûrement déjà fuit, trouvant que finalement "un gosse, c'est dégoûtant". Mais je ne pensais pas comme ça. Je me releva une fois qu'elle eut finit de mettre la couche de la petite à la poubelle. Elle retourna de nouveau s'occuper de Rose, mais je fus en face d'elle, lui barrant un instant le passage, la laissant néanmoins tenir sa fille.

Je porta une main à son visage, et essuya les larmes qui coulaient sur sa joue gauche à l'aide de mon pouce, laissant un très bref instant ma main sur sa joue. Je ne répondis pas à ce qu'elle venait de dire, je me contenta de la regarder tendrement et d'essuyer ses larmes. Je lui souris légèrement, comprenant ce qu'elle voulait dire. J'étais comme elle. Je fuyais les attaches par peur de souffrir à nouveau, je fuyais les sentiments car je pensais que tout le monde était pareil. Alors pourquoi je ne fuyais pas ? Je redescendis rapidement ma main, et me retourna vers Rose qui continuait de me regarder. Je me remis à sa hauteur, lui souriant sincèrement. Elle avait l'air tellement douce.

« Tu aimes bien me regarder toi, mais c'est que t'es toute jolie dis moi ! »

Ma voix était un peu plus aiguë que la normale, tendre, douce, avec un brin d'amusement. Parler à Rose semblait lui plaire. Je me retourna vers sa mère.

« Elle a bon goût ta fille »

Je recommença à regarder Rose, porta une main délicate jusqu'à elle pour toucher brièvement le bout de son nez, ce qui sembla l'amuser. Elle semblait ne plus me quitter du regard, ce pourquoi j'avais sorti cette phrase à Shanaé.

- Elle a l’air de bien t’aimer. Elle s’accroche à tout. C’est mon opposé ou du moins, ce que j’étais avant.

Je continuais de regarder Rose, un sourire aux lèvres. Elle aussi me souriait continuellement, et ne me quittait pas du regard. Elle et Shanaé étaient tellement similaires physiquement. Pourtant, je n'étais pas le genre à faire attention à ce genre de détails chez les enfants, ni le genre à reconnaître les liens familiaux. Mais là, c'était différent. A croire que c'était de famille de me rendre différent de ce que j'étais. Qui plus est, j'avais l'impression de voir Shanaé à travers elle. Et la voir me sourire me donnait le sentiment d'avoir trouvé où étais passé la joie de vivre de la jeune femme. La différence entre elles, c'était ce pétillement dans le regard de Rose, dans ses deux rubis sombres qui me fixaient. Une étincelle de joie, de bonheur, que je pouvais déceler à chaque fois que mon regard se posait sur elle. Elle semblait tellement fragile, et son bonheur innocent me donnait envie de la protéger du monde extérieur. Je ne voulais pas qu'un ange comme cela s'y confronte. Je ne savais que trop bien le mal que cela pouvait bien faire. Et sa mère en avait visiblement fait les frais également. J'avais complètement l'impression d'être ailleurs, comme si je n'étais plus moi-même.

- Pourquoi veux-tu autant me connaître ? Autant m’aider ?

Ah, la question tant redoutée. J'avais espéré qu'elle ne me la pose jamais, et qu'elle ne se la pose même jamais à elle-même. Mais en vain, et j'aurais bien du m'en douter. Elle ne devait pas avoir l'habitude que quelqu'un veuille à tout prix l'aider ainsi, en s'acharnant même si elle était toujours de plus en plus dure, voulant se montrer de plus en plus froide et distante. Alors se demander pourquoi moi, et surtout un mec comme je suis, le faisait, c'était plutôt normal. Un peu trop normal d'ailleurs, et j'avais été légèrement naïf de croire ne serait-ce qu'un peu qu'elle oublie de me poser cette question là particulièrement.
Je me releva, sentant des fourmillements me parcourir les jambes à force d'avoir été dans une position aussi inconfortable durant un peu trop longtemps. Mais le jeu en avait valu la chandelle, car j'avais découvert qu'un bambin pouvait avoir un effet sur moi plutôt surprenant. Elle m'avait complètement apaisé, c'était dingue ! J'avais l'impression que mes doutes, mes peurs, s'étaient envolés. J'avais, pour une fois, le sentiment de pouvoir enfin faire comprendre à Shanaé que je voulais vraiment l'aider, et que tout cela était sincère. J'étais face à la jeune femme, plongeant mon regard dans le sien, même si les vestiges de ses larmes me rendaient mal à l'aise. Je n'avais jamais été à l'aise avec les personnes qui pleuraient. Parce que cela me touchait, et me prouvait malgré moi que je pouvais être quelqu'un de sensible. Ce que je ne voulais pas être . Et ses larmes, à elle, étaient pire que tout.

Que pouvais-je bien lui dire ? La réponse m'était complètement floue. je ne savais même pas moi-même. Peu sûr de savoir ne serait-ce qu'un peu le pourquoi du comment. Je m'étais souvent posé la question. Et certaines réponses me venaient régulièrement, comme "Parce qu'elle a besoin d'aide" "Parce que je veux à tout prix l'aider" mais ce n'était pas des réponses. Elles n'expliquaient rien. Quand j'étais soul, et que j'y pensais, une autre me venait, que je faisais taire. "Parce qu'elle me rend dingue".

« Parce que... Parce que tu me rends différent. Parce que toi tu es différente. Parce que je pense à toi constamment et que te voir pleurer me rend mal. »

Tout était sorti sans que je ne puisse contrôler quoique ce soit. Je n'étais pas sûr que c'était la vérité. Même si au fond, je savais bien que ça l'était. Je me racla la gorge, avant de reprendre.

« Ecoute, peu importe pourquoi. Tout ce que je sais, c'est que j'en ai envie. »

La voir sourire me surprit, mais je pu enfin voir à quoi il ressemblait. Rose semblait avoir cet effet-là sur elle. Ca me fit sourire à mon tour, alors que ce qu'elle allait me dire était bien loin de me rendre heureux.

- Tu le laisses avoir par des sentiments, tu le sais ça ? Je ne suis pas différente, je ne suis juste pas une fille qui veut coucher avec toi et c’est ça que tu trouves différent. Avec ça, je ne suis en rien différente des autres.. Je suis mauvaise et je n’apporte que du malheur.

Elle semblait convaincu de ce qu'elle avançait. Pourtant, je ne pensais pas comme elle. Quand une fille me repoussait, j'allais voir ailleurs, je ne me prenais pas la tête. Sauf quelques fois ou je continuais à faire des avances à cette fille, ce qui m'amusait plus que si ça avait été vraiment sérieux. La plupart du temps je ne les désirais même pas, je voulais juste leur prouver qu'elles ne me résistaient que pour faire bonne figure. Mais avec Shanaé, c'était différent. Me laisser avoir par des sentiments ? Oh que oui je le savais. Ce n'était pas la première fois que je craquais devant elle. Et à chaque fois j'en étais mal à l'aise, mais soulagé de dire enfin ce que je ressentais. Et à chaque fois, je me ramassais. Attendri, je continua néanmoins à la regarder s'occuper de Rose. Elle avait le sourire aux lèvres parfois, et les traits de son visage qui paraissaient souvent fermés, parfois tristes, étaient illuminés de ce sourire doux mais franc.

« Tu te trompes complètement. Ce n'est pas ça qui te rend différente. Tu me vois comme je le suis à l'égard des autres. Pas avec toi. Quoique tu penses, je sais que ce que je dis est la vérité. »

Apporter le malheur ? Pourquoi disait-elle ça ? Ou plutôt, pourquoi le pensait-elle ? C'était elle qui avait souffert à cause des autres, non l'inverse. C'était elle qui en avait été la cible. Je fronça les sourcils.

« Le malheur ? Mais c'est toi qui l'a vécu à cause des autres, c'est eux qui t'ont fait du mal, et non l'inverse. Pourquoi serais-tu mauvaise... Tu es juste tombé sur les mauvaises personnes. Sur celles qui ne te voyait pas telle que tu es. Et je ne parle pas de la fille que tu as pu être, ni de celle que tu es aujourd'hui. Je parle de ce que tu as au fond de toi, de ce que tu as toujours eu mais que tu caches à présent aux yeux des autres. »

Je me gratta la nuque et parti de la pièce, ne voulant pas qu'elle réplique. Je me dirigea vers le salon, m'asseyais sur le canapé un bref instant avant de décider que c'était préférable de rester debout. Je me mis à marcher légèrement, je ne réfléchissais même pas. J'attendais qu'elle est terminé. C'était un moment très intime entre une mère et sa fille, et je ne voulais pas l'empiéter plus que ce que je ne l'avais fais.

Un bras sur le haut du canapé, je la regarda s'installer à côté de moi et s'enrouler dans un plaid. C'est vrai qu'elle avait l'air d'avoir froid. Je ne dis rien et la laissa prendre la parole. Même si j'aurais été loin de me douter de ce qu'elle allait me dire.

- Ma mère est morte en me mettant au monde, son cœur a lâché. Je ne l’ai donc jamais connue. J’ai vécu mon enfance avec mon père. Il était photographe et il en a fait une me mes passion tant je l’admirais. Lorsqu’il m’a payé des études dans le lycée où j’avais l’opportunité de devenir photographe, je suis tombée enceinte de Rose. J’étais seule, à des centaines de kilomètres de lui avec des amis qui me tournaient de dos et le lycée qui m’a fichue à la porte. Quelques mois après l’accouchement, je suis revenue le voir et je l’ai trouvé dans le loft qu’il a battit lui-même, une balle dans le crâne. Je lui manquais bien trop pour qu’il puisse continuer de vivre et il voulait revoir ma mère. Après ça, ose me dire que je ne fais pas le malheur autour de moi.

Hé bien... Elle avait vraiment du survivre à toutes ces épreuves ? Comment pouvait-elle encore tenir debout... Cela semblait tellement dur que la voir tenir le coup et s'occuper aussi bien de sa fille m'étonna encore plus. Elle devait vraiment être solide alors, pour ne pas avoir déjà abandonné. Je ne dis rien et la laissa raconter son passé. Elle se dévoilait à moi, j'en étais ravi, mais j'étais aussi tellement désolé pour elle d'avoir du subir tout cela. Je laissa le silence s'installer doucement. Il n'était pas pesant cette fois-ci. Je considérait ce qu'elle venait de m'avouer. Je me rapprocha d'elle doucement, mon bras toujours sur le haut du canapé, l'entourant ainsi sans le faire réellement d'un bras protecteur. J'avançai ma main posée sur le canapé à sa joue et y fit une caresse légère.

« J'ose le dire. Parce que tu me rends tout le contraire de malheureux quand je suis avec toi. »

Et c'était vrai. Parce que même si je voulais toujours la fuir, c'était bien parce que mes sentiments vis à vis d'elle me faisaient peur. J'avais peur de souffrir et je souffrais, mais je souffrais de ne pas pouvoir être comme je le voulais avec elle. De la voir s'éloigner. Pourtant c'était toujours contradictoire. Je me sentais bien en sa présence, mais je voulais toujours partir pour ne pas la froisser, et quand je n'étais pas avec elle, j'étais comme en manque. Je repensais aux moments que j'avais eu avec elle. Bons ou mauvais. Souvent mauvais pour ceux que l'on avait eu avant aujourd'hui. Car à présent je me sentais vraiment bien, je pouvais le dire haut et fort, je l'avais vu sourire, j'avais enfin vu son visage s'illuminer. Et la voir se confier à moi ne renforçait que mon sentiment de bien-être à cet instant, même si une tristesse résistait au fond de moi après le récit de Shanaé. J'aurais tant voulu qu'elle ne souffre pas comme elle l'avait fait.

Je frissonna en sentant sa main se poser sur mon poignet, bien que cette dernière soit plus chaude que l'était mon bras. C'était un contact doux. Si je regardais ce moment en prenant du recule, je m'aurais clairement dit que j'étais un de ces pauvres idiots que je croisais dans la rue, regardant leur copine amoureusement avant de les prendre dans leurs bras. A vomir. Je n'étais pas sentimental. Je ne l'avais jamais été. Tout simplement parce que je ne connaissais pas l'amour. Je ne savais pas ce que c'était "être amoureux". Alors je me contentais de regarder ces gens, au loin, semblant combler avec un simple baiser. Je m'étais toujours dit que je ne serais jamais comme eux. Et je ne voulais pas l'être. Mais à présent, maintenant que je comprenais ce que cela faisait d'être auprès de quelqu'un qui vous faisait battre votre cœur plus fort que d'habitude, je comprenais pourquoi ils semblaient si heureux.

- Pourquoi se passe-t-il autant de chose avec toi alors que je ne le désire pas.. ? Pourquoi tu n’es plus mal heureux lorsque tu es avec moi et.. Vice versa..

Vice versa... Elle essayait donc de me dire que ma présence la rendait moins malheureuse ? Je retins un sourire mais sentit un nouveau frisson parcourir ma peau et remonter le long de mon échine. Si tel était le cas, là je pouvais être content. C'était tout ce que je voulais après tout, qu'elle aille mieux. Elle ne méritait pas ce qu'elle avait endurer. Pas à mes yeux en tout cas. Et pourtant Dieu seul sait que je n'étais pas quelqu'un de si compréhensif avec le malheur des autres. Mais là, c'était comme si je me sentais concerné, comme si le fait qu'elle l'ai vécu me l'avait fait vivre, alors que j'en étais loin. Je me contenta de garder mon regard plonger dans le sien, laissant ma main contre sa joue sans réellement la bouger. Je profitais juste de l'instant présent, de peur qu'il s'envole aussi vite qu'il n'était venu, pour ne plus jamais refaire surface.

- Je ne veux plus souffrir..

Elle l'avait soufflé, comme une plainte, une demande silencieuse. Je savais bien ce qu'elle ressentait. J'avais l'impression de me voir, au fond. Au départ quand j'avais vu à quel point elle pouvait être distante, méfiante et froide, je m'étais légèrement reconnu, étant pareil, mais sans plus. Puis plus je l'observais, plus j'avais l'impression de me voir. Peut-être que je ne voulais pas juste l'aider, peut-être qu'en faisant ça, je m'aidais moi aussi par la même occasion. Je ne voulais pas que quelqu'un souffre comme moi j'avais souffert. Après tout, il y a quelques années, désespéré, j'avais fait tellement de conneries que je ne les comptais plus. Je ne voulais plus souffrir, j'étais désemparé de sentir cette chose en moi, et avait tout fait pour qu'elle me quitte à tout jamais. Alors je m'étais refermé aux autres, pour ne plus m'ouvrir. Bien sûr je l'avais fais un peu par la suite, certaines personnes connaissant mon passé. Mais Shanaé, elle, n'avait pas l'air de l'avoir fait. J'avais l'impression que petit à petit, elle s'était refermé à n'importe qui. Et sa carapace était si dure à percer que j'avais morflé, je dois le dire. Mais à présent, quand je la voyais, tout près de moi, me regardant sans aucune once de haine, je me disais bien que ca en avait valu la peine. J'oublia même tout ce que j'avais pu ressentir de négatif.

« Moi non plus... »

Je l'avais également soufflé, sur le même ton que la jeune femme. Cette fois, je bougea ma main contre sa joue, faisant de légères caresses, ne la quittant pas des yeux. Je me rapprocha un peu plus d'elle et la prit franchement contre moi, espérant qu'elle n'allait pas me repousser. Mais sentir son cœur battre contre ma peau m'apaisait. Et je voulais que ce moment ne se termine jamais.

Elle ne me repoussa pas, bien au contraire, posant sa tête dans mon cou. Je pouvais sentir son souffle dans ma nuque, ce qui me faisait frissonner. Sa main se posa près de mon torse, et même si ma respiration fut un peu plus forte tant j'en fus surpris, je ne fis rien de plus que la tenir dans mes bras. Je ne voulais pas la brusquer, tout gâcher. Je ferma les yeux, mon nez se perdait dans ses cheveux tandis que l'odeur douce de son shampooing vint jusqu'à moi. Je leva mon autre bras que je n'avais pas grandement sollicité et la calait d'avantage contre moi sans que l'on soit pour autant trop coller. Je ne voulais vraiment pas de sous-entendu, je ne voulais rien d'autre que de la garder dans mes bras.

- Je suis bien là..

Je souris, gardant les yeux fermés. Moi aussi j'étais bien comme ça. Je ne pensais à rien d'autre qu'à elle contre moi, à son souffle dans mon cou. J'écarta quelques mèches de ses cheveux, en profita pour une brève caresse sur la joue à nouveau et remit mon bras autour d'elle. Elle releva la tête, me faisant ouvrir les yeux. Je les baissa pour la regarder également.

- Merci d’être là Drew. Merci beaucoup.

Je fis un sourire léger, mais qui en disait bien long. J'étais bien. Elle s'était confié à moi, ne s'était pas refermé ou éloigné de moi quand je m'étais rapproché d'elle, et elle était dans mes bras à présent. Que demander de plus ? Qui plus est, le surnom qu'elle utilisa me faisait encore plus sourire. Je n'y prêtais pas souvent attention quand on m'appelait ainsi. Mais quand il provenait de sa bouche, il me convenait bien mieux. Je passa une main dans ses cheveux, brève, de peur de la brusquer, mais me contenta de ce simple geste rempli de tendresse que j'avais oublié avoir en moi. Je voulais qu'elle comprenne que je serais là quoiqu'il arrive, mais ne prononça aucune parole, de peur de casser ce moment. Je me contenta de lui sourire et de lui caresser brièvement les cheveux, pour à nouveau la serrer contre moi. Après un petit instant, je murmura cependant :

« Si seulement ce moment pouvait ne plus jamais finir... »

Je referma de nouveau les yeux, profitant de l'instant présent. Je ne savais même plus pourquoi j'avais pu me sentir mal vis à vis d'elle. J'oubliais la froideur dont elle pouvait me faire preuve, j'encrais dans ma mémoire uniquement son sourire, celui qu'elle avait eu envers sa fille, ainsi que son contact, sa peau douce, ses cheveux qui sentaient bon, elle dans mes bras, et m'appelant Drew.

Sa respiration était calme, douce, et semblait bien plus sereine. Parfois, je la sentais contre mon cou sentir devenir plus profonde, comme si elle s'endormait. Alors je ne bougea pas, me contentant de lui caresser les cheveux, ne voulant pas la réveiller si elle s'était vraiment endormi. Je ne voulais pas qu'elle quitte mes bras non plus. Je ferma les yeux, l'esprit apaisé. Il n'y avait que ma main qui allait et venait dans ses cheveux. Jusqu'à ce que Rose se fit entendre, j'ouvris brusquement les yeux et sentit Shanaé sursauté. Elle devait s'être vraiment endormi. Je la laissa aller retrouver sa fille, restant assis dans le canapé. Je me frotta les yeux légèrement histoire de reprendre un peu mes esprits, mais tout de même légèrement déçu que ce moment soit terminé.

Je l'entendis chanter, ce qui me fit refermer les yeux de nouveau, bien enfoncé dans le canapé. Puis je l'entendis courir, et réouvrit les yeux en fronçant les sourcils, me demandant ce qu'il lui arrivait brièvement, mais les pleurs de Rose s'accentuaient, et je me doutais au vu du biberon qu'elle tenait entre ses mains que la petite devait avoir faim. Il fallait dire que j'avais un peu trop accaparé sa mère. Je me leva, m'étira doucement, et m'approcha d'elles. La petite pleurait de plus en plus, ce qui me fit aller vers elle tandis que Shanaé s'occupait du biberon. Je souris à Rose et lui attrapa la main, essayant de la calmer. Mais elle avait surtout faim et mes mimiques ne pouvaient pas remédier à cela. Je passa une main sur le visage de Rose et m'approcha ensuite de Shanaé.

« Désolé d'avoir accaparé ton temps. »

Mon ton restait doux, calme. Je continuais à regarder Rose de temps à autre, qui commençait à sentir mon regard sur elle. Elle tourna ses jolies prunelles vers moi et je lui souris pour la énième fois de la journée, avant de reporter mon attention vers sa mère qui attendait que le biberon soit prêt. Je ne dis plus rien et ne fis rien non plus, me contentant de l'observer à nouveau dans son rôle de mère parfaite, et de fille courageuse. Je ne voulais pas qu'elle se referme à nouveau, pas après le moment qu'on avait passé ensemble. Je n'attendais rien, non, vraiment. Cela m'avait fait du bien, et je savais que pour elle, c'était la même chose. C'était le principal. J'avais réussi à l'apaiser, au point qu'elle s'endorme au creux de mon cou. Je crois que si elle me regardait de nouveau avec ses yeux assombrit par la méfiance et la haine qu'elle voulait dégager, il suffirait que je repense à ce moment précis pour me dire que tout n'était pas perdu, bien au contraire. Je pouvais l'aider, je voulais lui montrer non ? Et j'étais persuadé que j'avais avancé à ce sujet. Mais je ne fis rien de plus que de l'observer à ce moment-là. Je ne voulais pas prendre le risque de tout foutre en l'air. Puis, je savais bien qu'elle voulait se débrouiller seule, comme elle le faisait depuis longtemps maintenant, et y arrivait d'ailleurs à merveille. Alors je ne m'immisçais pas de nouveau, me contentant de me dire que même si je ne pouvais pas encore l'aider pour les tâches qu'elle devait effectuer, je pouvais au moins l'aider mentalement, à tenir le coup, à être apaisé quand elle le voulait. Si elle voulait vraiment que je sois là, ne serait-ce que pour qu'elle dorme calmement près de moi, je le ferais.