J'étais dans une des rues de Los Angeles, marchant d'un pas léger et discret. Je ne voulais pas attirer l'attention ce soir, et je ne me sentais pas réellement d'humeur à discuter avec quelqu'un, ne serait-ce que pour l'insulter. Ma journée avait été épouvantable. J'avais décidé, ce matin, de me rendre enfin à un de mes cours matinales, et il ne s'était pas très bien passé. Le professeur avait été absent tout d'abord, ce qui fait que nous avions attendu une bonne demi-heure, dans la salle, à ne rien faire hormis attendre ou parfois discuter entre nous. En ayant marre, j'avais décidé de quitter la pièce et de partir me recoucher étant donné que j'avais mal dormi. Mais sur qui tombais-je dans les couloirs ? Mon professeur, évidemment. Qui d'autre. Il m'avait fait un sermon, se prenant sûrement pour mon père en me disant que sécher, c'était pas bien, ça ne réussirait pas pour ma carrière, tout le blabla qu'il pouvait faire à ce sujet quoi. Il me connaissait bien vu que je loupais souvent ses cours. A vrai dire, tout mes prof me connaissaient. Heureusement que j'étais doué et que je réussissais tout mes partiels de philosophie, sinon je serais déjà à la rue. Je dis bien à la rue, vu que je n'aurais pas apprécié retourner chez ma mère, et que les petits boulots avaient la sale manie de me filer entre les doigts. Je soupira. Ensuite, loupant le déjeuner pour aller dormir, je m'étais fais réveillé par un coup de fil de ma mère. Il est vrai que je ne l'avais pas appelé depuis un moment, et elle commençait à s'inquiéter. Hors, évidemment, la conversation tourna vers mon père. Elle m'annonça juste qu'il avait verser l'argent du mois qu'il nous versait depuis qu'il était parti, et qu'elle m'en transférait une petite partie, même si j'avais beau refusé, elle le faisait constamment.

Je n'aimais pas cet argent. Il provenait de mon père, que je n'aimais pas, mais surtout, c'était là l'image d'un homme qui essaye de faire bonne figure alors que ce n'est qu'un lâche. Il ne m'achètera jamais. De toute manière, je crois qu'il ne le veut pas, ou plus. Après ce que j'ai pu lui dire à propos de sa famille, je comprend qu'il m'en veuille. On ne se reparlera sûrement jamais, et je l'espérais, même si au fond, j'aurais aimé que cela se passe autrement. Je m'étais rendormi après son coup de fil, et avait loupé les cours de l'après-midi, ce qui n'arrangeait pas mon cas vis à vis de mon professeur qui m'avait sermonné. Je fis profil bas durant toute la journée, bien que je croisa une fille avec qui j'avais sûrement couché un soir de fête, étant donné qu'à peine m'avait-elle croisé qu'elle m'avait clairement mit une gifle, et ce devant tout le monde. Mon image en prenait un coup, et trop fatigué pour répliqué, je passa chemin, entendant des ricanements sur mon passage. Peu importe de ce qu'ils pensent de moi, je me fiche bien de leurs regards. Je couche avec qui je veux non ? Même si j'avoue ne pas me souvenir d'elle, alors que pourtant je n'oublie jamais quelqu'un, même si je ne l'aime pas ou que je ne lui porte pas réellement attention. Enfin, bref. Cela faisait longtemps maintenant que je n'étais pas aller à une fête, et ça ne me ressemblait pas. Longtemps, entendez bien sûr peut-être une semaine. Depuis celle ou j'avais fais plus de conneries que d'habitude.

J'avais rencontré Shanaé le jour même, et cela m'avait complètement perdu. On m'avait alors trainé, ou plutôt Billie m'avait trainé, dans un bar pour me remonter le moral, on avait discuté puis au final, tellement j'avais bu, il semblerait que je ne m'étais pas contenté de danser près du bar. A ce que l'on m'a dit, j'aurais mis un coup de poing à un barman, je me serais donc fait viré, j'aurais dragué des filles même pas célibataires, enfin que des conneries de ce genre. J'avais alors l'impression de me comporter comme une adolescent. Les paroles de la brune me revenait en tête ce soir-là, à chaque instant. Je savais qu'elle me prenait pour un pauvre type immature qui couchait avec tout ce qu'il trouvait, et s'en fichait pleinement de ce qu'il faisait. Je crois que depuis, je me pose un peu plus de question. Des questions que j'avais jusqu'alors évité. Je porta une main à ma poche comme à mon habitude, mais me rappela que je n'avais plus de cigarette depuis hier. Décidément, j'aurais du rester couché ce matin ! Je me dirigea naturellement vers un bar que j'aimais bien, The Honor, et y rentra alors qu'il devait y avoir que peu de monde vu l'heure tardive. Tant mieux, je voulais juste boire un verre et partir marcher toute la nuit dans Los Angeles.

Je m'installa au bar, ne prêtant même pas attention aux gens qui m'entourait. Quand j'entendis la serveuse me demander ce qu'elle pouvait bien me servir.

« Un Whisky fera amplement l'affaire, merci. »

Je leva le regard vers la serveuse, et je me figea. J'aurais vraiment dû rester coucher, ce matin. Se tenait devant moi, essuyant des verres, une jolie brune, que je connaissais peu mais qui restait la seule et unique personne qui pouvait me déstabilisé rien qu'en me regardant. Shanaé. Je soupira. Ou plutôt, voulu soupirer, mais rien ne sorti de ma bouche, fermée. Je ne bougea pas et me contenta de la regarder. Je me demandais comment elle allait réagir, cette fois-ci, en espérant que cela se passe un peu mieux que notre dernière rencontre...

Je bu une gorgée du Whisky qu'elle venait de me servir, tout en continuant à l'observer, la voyant s'asseoir histoire de se détendre un peu, puis détacha ses cheveux qui retombèrent, encadrant parfaitement son visage. Elle était bien plus maquillé que d'habitude, et ses vêtements plus courts. Je savais en voyant les serveuses de tout les bars que j'avais fréquenté que c'était un moyen de faire venir des clients. Je n'y avais jamais réfléchi mais voyant Shanaé faire parti de ces filles me fit penser que ce genre de technique était bien trop dégradante vis à vis d'elles. Sur le moment, je me dis qu'elle allait vraiment me détester, à être à l'endroit où elle voulait que personne ne la croise. Je savais à présent qu'elle avait une fille, et maintenant, je savais qu'elle devait s'habiller et se maquiller ainsi pour venir travailler dans un bar.

- Bonne soirée.. ?

Je ris légèrement en hochant les épaules. Non on ne pouvait pas réellement dire que c'était une bonne soirée, ce pourquoi je ne répondis rien, un simple regard entendu vers elle. Elle non plus n'avait pas l'air dans son assiette. Elle semblait fatigué, un peu trop même pour une serveuse de nuit dans un bar. Je pensa à sa fille, elle lui ressemblait tellement. J'étais quelqu'un à la carapace également très épaisse, j'avais passé des années à me la forger. Mais voir Shanaé, à chaque fois, la brisait toujours un peu plus. Et la voir avec sa fille, m'avait vraiment attendri. Pourtant je n'étais pas le genre à m'arrêter sur une mère et à la complimenter en gazouillant bêtement devant son gamin. Mais là, c'était différent.

- Tu ne devrais pas être ici, ce n’est pas un endroit à fréquenter, il est très mauvais.

Je fronça les sourcils et releva le regard vers elle, que j'avais légèrement baissé vers mon verre. Cette phrase m'avait surprit je dois le dire. Elle était bien moins dur et froide que la dernière fois, même si nous avions échangé un moment doux, et tendre, quoique trop bref à mon goût. Elle m'avait confié que c'était assez difficile pour elle de s'occuper de sa fille, seule, à son âge. Elle m'avait présenté sa fille, et je lui avais confié une partie de mes secrets. Ce que je ne faisais jamais, si on mettait de côté le moment avec Jazzmin dans ce même bar, un soir où elle m'avouait avoir trouvé une petite abandonnée. J'avais essayé de la réconforter comme je le pouvais, la prenant même dans mes bras, un peu, voir beaucoup, maladroitement, mais je l'avais fais. Et elle m'avait caressé le bras. J'en avais eu des frissons à bien y repenser. Rien que le contact de sa main m'avait apaisé, c'était particulier. Elle avait le don pour bousculer mes habitudes. Je ne pu retenir un léger rictus suite à sa question.

« Tu t'inquiètes pour moi ? »

Je n'imaginais pas qu'elle puisse réellement s'inquiéter pour moi. Les mauvais endroits, j'en fréquentais constamment. Ça ne me réussissait pas toujours, voir pas souvent, mais j'étais comme ça, je prenais des risques, parfois ne serait-ce que pour sentir de l'adrénaline parcourir mon corps, connaître des expériences, bonnes comme mauvaises. Souvent mauvaises pour ces endroits là, mais elles m'apprenaient beaucoup, me forgeaient encore et toujours cette carapace. Je détailla Shanaé du regard, ne l'ayant que rapidement fait tout à l'heure. Il semblait vraiment manquer de sommeil, mais je ne dis rien à ce sujet et je m'abstiens de dire quoique ce soit pour le moment, ayant peur de dire, à nouveau, une connerie et la voir se refermer. Et pourquoi pas partir comme la dernière fois. Ca m'avait étonné, mais le mot que j'avais ressenti ce jour-là en la voyant me repousser et partir ainsi, c'était "mal". J'avais eu mal, oui. Pourtant j'avais réussi à oublier ce que ce mot voulait dire. Mais il m'avait fait reprendre un certain contact avec la réalité, je m'étais senti "vivant". Même si c'était en mal sur le moment, et qu'ensuite, j'oublia complètement la dite réalité que je venais de constater pour aller me bourrer la gueule... D'ailleurs, ne pas aller à une fête toute une semaine, ça ne me ressemblait pas du tout. Il allait falloir que j'y remédie. J'adresse un sourire à la jeune fille, assise devant moi, boit une gorgée de mon verre et me retient de lui dire que c'était plutôt elle qui n'avait rien à voir à faire ici, dans un endroit pareil. Je n'ai jamais eu aucun tact ni aucun don pour le contact humain et social, et Shanaé était encore plus difficile à cerner que toutes les personnes que j'avais rencontré. C'est pourquoi je garda le silence après la question, qui n'en était pas réellement une, que je venais de lui poser.

- Désoler pour la dernière fois.. Je ne me sentais pas très bien.

Je hocha simplement la tête, ne répliquant pas. J'avais peur qu'elle se referme à nouveau, et puis j'avoue que je n'avais aucune idée sur ce que je pouvais bien dire. Je bu mon verre lentement, tandis que je la vis se relever en fronçant les sourcils suite à ma question. Ou serais-ce à cause de mon rictus ?

- J’essaie juste d’être gentille, pour une fois. Mais ne t’en fais pas, je ne le serais plus.

Je soupire fortement, cette fois, posant mon verre sur le bar. Elle se refermait de nouveau. C'était comme marcher sur un fil, il suffisait d'un bref faux pas pour tomber. Et ce soir-là, j'avais peur de retourner sur ce fil. Parce que j'avais peur de tomber à nouveau. Je posa mon front sur ma paume de main, accoudé au bar. Je prit un bref instant pour réfléchir un tant soit peu correctement, et ne plus la regarder. Elle me déstabilisait, surtout quand elle passait de gentille à froide. Je ne savais plus sur quel pied danser. Quelques secondes s'écoulèrent avant que je ne relève enfin la tête. Cependant, je la regarda sans trop la voir. Je me demandais bien ce qu'elle avait pu vivre exactement pour être aussi méfiante. Je voyais bien qu'il y avait eu plusieurs choses, des choses qui lui avaient fait perdre confiance en soi peut-être, ce qui expliquerait pourquoi elle était autant sur la défensive. Elle avait peur de souffrir, je le voyais. Pourtant, j'essayais tant bien que mal de lui montrer que je ne voulais en aucun cas la faire souffrir. Mais c'était visiblement peine perdu. Je me pinça rapidement les lèvres et les humecta avant de peser le pour et le contre. Devais-je parler ? Ou devais-je continuer à me taire en la regardant essuyer ses verres... ? Je réfléchissais à vive allure, mais j'étais peu doué pour ce genre de chose. Je n'étais pas doué en général avec les gens, tout simplement. Je jeta un regard autour de nous, il n'y avait plus personne. A cette heure-là la plupart des gens en-dehors devaient être bourrés, ou le seraient très bientôt. Je reposa mon regard sur elle, qui n'avait visiblement pas l'intention de parler à nouveau. Alors je pris le risque de le faire à sa place.

« Je suis désolé si j'ai dis quelque chose qu'il ne fallait pas. Mais je serais surpris de savoir que tu t'inquiètes pour moi alors que tu me repousses constamment. »

Je jette un œil à mon verre et fixe le fond tout en le tournant entre mes mains.

« Mais, s'il te plaît, ne cesse pas d'être gentille. »

Ma voix était un peu plus discrète et moins forte que la dernière fois. Comme si je ne voulais pas qu'elle l'entende réellement, ou qu'elle n'y prête pas attention. Je voulais vraiment qu'elle cesse d'être sur la défensive, mais je savais bien qu'il faudrait du temps pour cela. Elle devait avoir vécu des choses qui l'empêchait de baisser sa garde. Et vis à vis de moi, c'était très compréhensible. Quand on voyait ma réputation, je comprenais bien pourquoi certaines personnes me fuyaient clairement. Je me racla la gorge, un peu mal à l'aise d'avoir dit cela, et surtout, en ayant peur qu'elle se referme d'avantage, ou qu'elle me balance à la figure que si je préférais la voir douce, elle n'en serait que le contraire. Elle voulait me fuir, après tout, alors quoi de plus logique. Même si je n'abandonnerais pas pour autant, je savais que ce serait mauvais pour moi qu'elle me repousse d'avantage. La dernière fois en était une preuve, j'avais mal réagis une fois son départ. Je relève les yeux vers elle et reprend rapidement.

« Je te raccompagne chez toi une fois terminé, à cette heure-là il doit y avoir des individus louches dehors. »

Ce n'était même pas tourné sous forme de question. Je ne voulais pas la laisser partir seule à cette heure-là, habillé ainsi, avec des jeunes bourrés dehors. Je ne pouvais pas m'empêcher de m'inquiéter pour elle, et à la pensée d'elle toute seule sans réelle défense face à plusieurs individus mal intentionnés me faisait crisper la mâchoire. Qu'elle le veuille ou non, je la raccompagnerais.

Elle ne cessait de soupirer, et j'avais l'impression de passer un examen et d'être juger plutôt que de discuter avec quelqu'un. J'étais légèrement tendu, la voyant s'éloigner constamment.

- Et toi ? Pourquoi tu veux que je sois moins distante, hum ? Pour me mettre dans ton lit comme toutes ses connes qui se font avoir ? Très peu pour moi Andrew, je ne suis pas comme ça. Je ne suis plus comme ça.

Sur le coup j'avais été surpris qu'elle me dise ça. Mais au fond, j'aurais dû deviner qu'elle pensait que mes intentions étaient tout autre que de réellement l'aider. Ce fut à mon tour de soupirer, ne sachant même pas quoi répliquer. Elle ne me croirait pas, de toute manière. Et les belles paroles n'étaient pas faites pour moi. Je continua à la regarder, comme si le moindre de ses gestes me captivaient. A vrai dire j'aurais bien voulu comprendre ce qu'elle ressentait à cet instant-là, comme je le faisais la plupart du temps avec les gens en général. Je détaillais, je devinais, j'aimais les étudier. Mais Shanaé restait une énigme, c'est peut-être ça qui m'attirait, comme si je voulais la résoudre. Et au fond, même si j'essayais de m'en convaincre, je savais parfaitement que ce n'était pas ça qui m'attirait chez elle. Mais je n'avais pas envie d'y penser, je voulais enterrer ces émotions au plus profond de moi, pour qu'elles ne ressortent jamais. Le silence ne semblait pas lui plaire, elle devait sûrement se dire que c'était là une manière d'acquiescer à ce qu'elle venait de me balancer en pleine figure, alors que c'était tout le contraire. C'est pourquoi je pris le risque, à nouveau, constamment quand j'étais avec elle, de prendre la parole.

« Tu te trompes, Shanaé. Je ne veux pas te mettre dans mon lit comme tu dis. »

Je ne savais même pas comment expliquer le fait que je voulais absolument qu'elle change à mon égard. J'essaya, en vain. Ma bouche se referma aussitôt et aucune phrase ne me vint. Je ne le savais pas moi-même, alors comment pourrais-je lui expliquer ? C'était impossible. Tout ce que je savais, c'était que je le voulais. Pourquoi, cela n'avait pas d'importance.

- Hors de question. Et puis, j’habite à deux pas donc je ne risque rien. J’ai une petite bombe dans mon sac au cas où et mon portable. Donc non, merci mais ça va aller.


Je me doutais bien qu'elle refuserait, surtout si elle imaginait mes intentions aussi mauvaises que celles qu'elle venait de me dire. Mais je ne pourrais pas la laisser partir seule, de toute manière. Qu'elle le veuille ou non, que je le veuille ou non, je me demanderais si elle est bien arrivé chez elle toute la nuit sinon. Et je ne voulais pas être obsédé par elle, même si parfois, je sentais que c'était peine perdu. Après notre dernière rencontre, j'avais peu dormi vu que j'avais passé mon temps à faire je ne sais quoi étant bourré. Mais quand je dormais, j'avais bel et bien rêvé d'elle. Un rêve bref, court, mais qui en disait un peu trop long pour moi. Je l'avais vu me regarder froidement, puis partir. Ce qu'elle allait faire un peu trop souvent à mon goût. Je me demanda un bref instant comment j'aurais réagis vis à vis d'elle si elle n'était pas comme ça, qu'elle avait gardé un semblant de joie de vivre. Je n'en savais rien, mais ce qui est sûr, c'est qu'en ce moment même, je voulais qu'elle la retrouve. Si ce genre de chose se donnait, je lui en aurais donner volontiers et aurait disparu de sa vie. Mais je ne pouvais pas, du moins pas tant que je la voyais aller mal. Quand bien même, je crois que je ne pouvais pas.

« Ce n'était pas une question. Si ça te gêne tellement je me contenterais de te suivre au loin jusqu'à ce que tu rentres chez toi. Juste pour... Être sûr qu'il ne t'arrive rien. »

C'était un peu étrange, et je me gifla mentalement. Elle allait me prendre pour un taré maintenant. Génial. Un taré pervers et obsédé par les filles, merveilleux. Je la regarda fermer le bar tandis que je prononçais ces mots qui aurait pu être mal prit si c'était quelqu'un d'autre que moi. En tout cas, moi je l'aurais mal pris. Alors, après m'être mordu la lèvre inférieure, j'essaya de me rattraper un peu.

« Je veux dire... Euh. Je ne veux pas te laisser partir seule, c'est dangereux. »

M'ouais. C'était mieux que rien, quoique je n'en étais pas sûr. Mais que dire de plus ? C'était uniquement la vérité. Je ne dévoilais jamais ce que je ressentais, je terrais souvent mes sentiments bien au fond de mon être. Mais avec elle, je voulais tout le contraire. Lui montrer que j'étais sincère, que je ne voulais que son bien.

J'avais vu juste en pensant qu'elle me prendre pour un taré. Au fond ça m'amusait de la voir répliquer, de la voir se défendre. Au moins, même si c'était négatif vis à vis de moi, je la sentais vivre. Elle ressentait, et répliquait. C'était déjà ça. Mais j'aurais préféré ne pas passer pour un psychopathe... M'enfin, qu'importe. C'était peine perdu de faire bonne figure devant elle. Surtout moi. Plus maladroit que moi socialement, on meurt ! Je me souviens qu'il m'était déjà arrivé de dire "mais c'est pas grave" à quelqu'un qui m'annonçait à un décès, tout ça parce que je ne savais pas quoi dire, et que ce sont ces mots qui sont sorti de ma bouche. Pathétique, même si cela aurait pu me faire rire si j'étais doté d'auto-dérision. Mais ce n'était pas le cas. Et ça ne l'avait jamais été. Je n'ai jamais eu confiance en moi, cette carapace hautaine et froide en était presque une preuve si on me connaissait bien. Alors rigoler de moi, hors de question.

- Alors que veux-tu de moi Andrew ? Parce que là, je sèche. Et pas qu’un peu.

D'elle ? Ce que je voulais d'elle ? Je me posa la question un petit moment, en fait je n'attendais rien et tout à la fois. Ce que je voulais tout court était un mystère. Alors ce que je voulais d'elle... Encore plus. Je n'attendais rien, mais j'avais toujours un bref espoir qu'elle ne se referme plus, ou du moins, pas autant qu'elle le faisait. Si méfiante, j'avais l'impression d'être un criminel quand elle me regarda en fronçant les sourcils et en me parlant ainsi.

- Tu blagues là ? Non, ne me suis pas. T’es quoi toi ? Une espèce de.. De gars qui suit la première fille qui passe ? Je vais appeler l’assistante qui s’occupe de Rose, elle viendra me chercher.

Je ne pu retenir un sourire amusé, la voyant me répliquer et se méfier à nouveau de moi. J'étais vraiment devenu un taré à ses yeux visiblement. Ça allait être difficile de rattraper ça. Mais ce n'est pas pour autant que j'abandonnerais. Je ne voulais pas abandonner. Mais dans un sens, j'aurais préféré partir en courant sans me retourner. Au moins elle m'aurait prit pour un mec complètement cinglé et m'aurait fuit coûte que coûte. Mes tentatives, vaines, devenaient vraiment pitoyables à mes yeux. Pourquoi elle me faisait un effet pareil ? Je n'avais jamais connu ça. Même quand on me défiait, quand on me regardait de haut, même les insultes, rien n'avait cet effet là sur moi. Rien. Sauf elle. Mais pourquoi ? Si seulement je le savais. Je me racla la gorge, me retenant de rire malgré le fait que ce qu'elle venait de me dire ne me plaisait pas vraiment.

« Mais oui voilà, tu as tout comprit. Je suis les filles dans le noir, et je m'en vante devant elles. »

J'avais dis ça sur le ton de l'amusement, car répliquer et contredire ce qu'elle venait de me dire n'aurait servit à rien. Elle m'aurait repoussé, continuellement, jusqu'à ce qu'elle parte sans un regard en arrière, comme si je n'existais pas. Ou plutôt, comme si elle voulait que je n'existe pas. Et j'en avais assez, assez pour ce soir. J'en prenais déjà assez dans la tronche non ? Du moins, c'était mon impression à ce moment-là, et je ne voulu pas l'agacer d'avantage. Alors je me leva, posa l'argent de mes consommations sur le bar. Je lui jeta un regard qui se voulait fermé, mais j'étais persuadé qu'il perçait un peu trop la déception que je ressentais.

« Un sourire, un vrai. Voilà ce que je veux de toi. »

- Tu aurais pu m’apprécier il y a un temps, avant que je sois enceinte de Rose et que tout ne débute. J’étais belle, rayonnante, agréable à vivre et si gentille.. J’étais la fille que tout le monde adorait et qui redonnait le sourire en un regard tant la joie de vivre se lisait sur mon visage.. J’étais cheerleader, la meneuse du groupe mais pourtant, je n’étais pas populaire et ceci me convenait parfaitement. J’avais une belle vie avec mon père, nous étions heureux tous les deux, nous respirions le bonheur. Là, tu aurais eu un sourire, un vrai. Maintenant, c’est trop tard pour en avoir un.

Je ne bougeais pas, je la regardais, elle semblait si triste, si nostalgique. J'avais envie de faire quelque chose, d'enlever cette tristesse de son regard, de faire n'importe quoi pour qu'elle relève la tête, me sourit et me dise que tout ça est terminé. Mais je savais que c'était impossible. Pas maintenant en tout cas. Je voulais que cela change, que cela cesse pour elle. Qu'elle trouve un moyen de fuir de la réalité, pour se sentir mieux, apaisé. Même si elle n'était plus comme elle se décrivait, qu'elle soit, au moins, moins triste que maintenant. Mais je ne pouvais rien faire, je n'amorça aucun geste, mon cœur se serrait et j'avais l'impression que l'air me manquait. Elle vint face à moi et je pu en effet constater qu'elle était vraiment triste. Ce qui ne faisait que renforcer celle que je sentais pointer en moi en la voyant ainsi.

- Je ne vois pas pourquoi je pourrais sourire maintenant. Je n’ai plus le cœur à sourire. Et même si je voulais sourire, je n’y arriverais pas. Tu es déçu, ça se voit mais.. C’est ainsi. Je suis trop abimée.

Je me racla la gorge, la sentant nouée, mais ma voix resta rauque et légèrement tremblante sur certains mots. Parce que je ressentais tellement de choses à la fois que je pensais oublié, que je ne savais même plus comment réagir.

« Ouais... Je vois ce que tu veux dire. Malheureusement. »

J'avais parlé à voix basse, comme si ça m'était adressé. Et ça l'était. Parce que le caractère que je m'étais forgé n'était que la solution que j'avais trouvé pour me protéger. J'avais eu si mal étant jeune que je ne voulais pas le revivre à nouveau. Et c'était ce que faisait Shanaé. Même si ça n'était pas comparable. Je me mordis la lèvre inférieure et releva le regard vers elle. L'envie de partir était très présente. Mais je n'y arrivais pas. Surtout après avoir vu ses yeux remplis de larmes. J'avais peur qu'elle pleure.

« Mais je ne suis pas d'accord avec toi. Un cœur, ça se répare assez pour pouvoir sourire à nouveau un jour. Toi aussi tu y arriveras. Je sais qu'un jour, je te verrais sourire. »

Je baissa le regard comme si j'avouais quelque chose de gênant, mal à l'aise. Puis me reprit rapidement et ferma mon visage à toute émotion. Je repris l'allure que j'avais d'habitude, laissant derrière moi la vulnérabilité dont je faisais preuve en sa présence. Je commençais à saturer. Je m'étais forcé à ne jamais avoir une attache assez forte pour ressentir une quelconque déception, une quelconque souffrance. Et à présent, je ressentais toutes ces choses là aussi fort que possible. Et ça m'en était insupportable à ce moment-là. C'est pourquoi je me ferma à mon tour, pensant tristement que ça ne ferait que l'éloigner d'avantage de moi. De toute manière, elle le ferait quoique je dise, quoique je montre... Comment lui faire comprendre que je n'étais comme ça qu'avec elle ?

« Si tel est ton désire, je m'en vais de ce pas. »

Mon ton était froid, je me montra distant et un sourire glacial flotta sur mes lèvres. Shanaé, bon sang, tu vas me rendre dingue. J'en peux plus, s'il te plaît, comprend que je ne suis pas comme ça avec tout le monde. Je m'humecta les lèvres. Je ne voulais plus rien ressentir, plus jamais.