- Ce n’est pas de ta faute, ne t’en fais pas. Je me suis juste assoupie et je n’ai pas pensé à préparer le biberon de Rose. C’est de ma faute..

Je me gratta la nuque, ne voulant pas qu'elle s'en veuille. J'étais ravi du moment que l'on avait eu tout les deux, mais je n'aurais pas du en sachant qu'elle s'occupait de sa fille. Je murmura :

« Mais non, ce n'est pas de ta faute. »

Même si je savais que cela n'allait pas la faire changer d'avis, je le prononça, continuant à regarder ce qu'elle faisait. Même si j'avais une irrésistible envie de l'aider, je me contenta de regarder. Je ne voulais pas être aussi entreprenant que tout à l'heure, ça ne réussissait pas.

- Elle passe avant moi, toujours.

Je la regarda embrasser le front de Rose qui s'était légèrement calmé et soupira discrètement à mon tour. Je m'appuya contre le meuble derrière moi. Je voyais bien que sa fille passait avant elle, qu'elle vivait pour Rose, et non pour elle-même. Je jeta un œil à la petite et retourna près d'elle, passant mon pouce sur son front, puis plongea de nouveau mon regard dans celui de Shanaé. Je l'avais contourné histoire d'aller du côté où était Rose, en restant légèrement en arrière, effleurant la jeune femme par la même occasion.

« Ce n'est pas parce qu'elle passe avant toi que tu dois t'empêcher de vivre. »

Mon ton était presque un murmure, mais un peu plus fort tout de même. Doux, il resta sur la même légèreté et compréhension que tout à l'heure. Puis je baissa mon regard et croisa celui de Rose.

« Je ne crois pas qu'elle aimerait te voir triste »

Je me doutais que depuis la naissance de sa fille, elle ne vivait exclusivement que pour elle, pensant pour elle, ne rentrant même pas en ligne de compte. Elle fuyait les attaches mais je me demandais si elle en voulait un jour. Elle avait peur de souffrir, mais elle pensait surtout à Rose et je ne pouvais que la comprendre. Quand je voyais Shanaé, là, devant moi, je me demanda comment j'allais faire pour être proche d'elle sans tenter quoique ce soit. Ca allait être tellement difficile. Tout à l'heure, sur le canapé, j'aurais pu l'embrasser si je ne m'en étais pas empêché. Mais je savais que ça l'aurait brusqué, qu'elle se serait éloigné. Nous étions pareils, au fond, deux personnes fuyant les attaches, ne s'y connaissant absolument pas dans les relations humaines. Mais malgré cela, j'étais content de voir que l'un comme l'autre aimions la présence de l'autre. Et pour l'instant, ce serait bien suffisant. Du moins, il allait falloir l'espérer.

Elle se tourna vers moi, tandis que je continuais à regarder ses réactions. Elle n'avait pas l'air de l'avoir mal prit, c'était déjà bon signe. Après tout, elle savait que j'avais raison, mais bon sang ce que je savais aussi ce que c'était d'être dans sa situation. Je voulais la sortir de là et lui montrer qu'elle avait encore des choses à vivre, qu'elle pouvait encore rire, et sourire. Elle fit en sorte de placer mes bras aussi bien que possible, et je la laissa faire, me demandant ce qu'elle voulait faire par là. Elle me posa Rose dans les bras, délicatement. J'en fus vraiment surprit, mais ne fit rien pour la lui rendre. Je la garda contre moi en espérant bien la tenir. C'est qu'elle avait l'air si fragile...

- Tiens-là bien contre toi. Enfin, je pense que tu sais ce que c’est.

Je jeta un œil à Shanaé et hocha la tête, puis reporta toute mon attention sur sa fille, qui avait arrêté de pleurer. Je ne savais pas que je pouvais être doué avec les enfants, et je ne m'en serais jamais douté... Je n'étais pas encore à l'aise avec Rose, évidemment, mais elle semblait m'apprécier et je la tenais plutôt bien visiblement. Je regarda ses prunelles sombres posé sur moi, et ne pu que sourire quand elle le fit en me regardant fixement. Je leva les yeux quand je vis la jeune femme se poster devant moi, me tendant le biberon de Rose. J'étais vraiment surprit, jamais je n'aurais pensé qu'elle veuille que je m'en occupe, que je l'aide. Je souris à Shanaé, et attrapa le biberon en espérant que j'allais m'en sortir. Après tout, jamais je ne m'étais occupé d'un nourrisson, jamais je m'étais intéressé à comment on devait les nourrir, les tenir, s'occuper d'eux. Tout ce qui m'avait préoccupé jusqu'alors, c'était moi. Les fêtes, l'alcool, et me forger une réputation et une image. Et à cet instant-là, je me demandais quelle importance avait tout ça. Tout le monde pouvait vous dire que j"étais vraiment LE mec le moins sérieux du monde, qui ne se prend pas la tête et qui agit sans penser aux conséquences. Qui fait la fête jusqu'à pas d'heure, qui boit souvent, fume constamment et rate ses cours. Mais je me rendais compte que les seules choses auxquelles j'apportais un peu d'importance n'était vraiment rien. Même si je ne comptais pas changer en sortant de chez Shanaé, je prenais quand même conscience que je pouvais m'intéresser à autre chose qu'à moi-même. Et c'était déjà beaucoup.

Au fond, je me cachais derrière ma confiance en moi et mes belles paroles. Je n'avais pas changé depuis mon adolescence, parce que rien n'avait changé pour moi. Je ne voulais pas ressentir alors je faisais tout pour, voilà tout. Je donna donc le biberon à Rose, qui semblait ravie d'avoir enfin quelque chose à manger. Elle était vraiment mignonne. Ca me faisait tellement bizarre de faire tout ça. Je leva les yeux vers Shanaé qui semblait vouloir préparer à manger. Je lui souris et hocha à nouveau la tête.

« J'ai ta permission pour manger avec vous ? »

- Les bébés doivent toujours avoir la tête un peu plus en hauteurs afin de pouvoir boire correctement. Le maintien est très important.

Je l'écouta sans relever mon regard et essaya de suivre ses conseils à la lettre. J'avais peur d'être maladroit et y allait donc lentement et délicatement. La tendresse n'était pas mon point fort, alors j'étais un peu perdu avec tout ça. Mais j'étais ravi de l'avoir dans les bras et d'aider un tant soit peu Shanaé. Je porta ensuite mon attention vers celle-ci, qui cuisinait non loin de moi. Son silence, au départ, me paru comme un refus. Puis je vis un sourire, vraiment très léger et vague sur ses lèvres.

- A moins que tu ne veuilles me regarder manger..

Je souris à mon tour, même si celui de la brune se perdit rapidement. Son air amusé sur le visage était bien vite remplacé par ce que je voyais trop souvent en elle, de la tristesse. Peut-être que ses pensées n'étaient pas vraiment bonnes... Enfin, quelle idée, bien sûr qu'elles devaient être tristes. Elle ne ferait pas cette tête-là sinon. Je me pinça les lèvres et ne dit rien. Même si j'avais fais un pas énorme avec elle, je voyais bien qu'elle restait toujours réticente, et que ce moment ne s'éterniserait pas non plus. Peut-être faudrait-il encore du temps pour qu'elle puisse enfin sourire franchement. Non, c'était sûr. Même si j'étais vraiment ravi des progrès effectués, j'étais toujours un peu déçu de voir qu'elle pensait toujours à des choses négatives, même en ma présence. Peut-être pensait-elle à celui qui l'avait abandonné avec son enfant... Je retins un soupire, je n'étais pas patient, mais je devais l'être une fois dans ma vie, maintenant, avec Shanaé. Elle avait besoin de temps, je le savais parfaitement. Même si j'aurais vraiment voulu qu'elle ne songe à rien d'autre en ce moment précis. Je regarda Rose. L'image de mon père m'effleura l'esprit. Moi non plus je ne devais pas penser négatif, sinon on était mal barré.

- Tout va bien avec Rose, pas de crampes aux bras ?

Je leva les yeux vers elle une fois qu'elle me posa la question, et secoua la tête négativement en la regardant.

« Non, tout va bien. Je crois que je m'en sors pas trop mal. Ca m'étonne moi-même pour tout te dire. »

L'ombre d'un sourire sur son visage me fit penser que j'avais raison. Je pouvais la faire sourire, mais il faudrait du temps. L'esquisse d'un petit sourire était déjà une grande chose pour elle, je le voyais bien. Je la regarda s'approcher et poser un bref instant sa main sur le front de Rose qui, en effet, était bien plus sage qu'il y a quelques minutes.

- Je ne l’ai jamais vue aussi sage, c’est un vrai petit démon.. Je l’aime mais elle m’en fait beaucoup voir. Ne plus entendre ses pleurs me soulage un peu ce soir.

Je lui souriais un instant. Rose devait être contente de voir quelqu'un de nouveau qui faisait attention à elle. Ma mère n'arrêtait pas de me dire que quand j'étais enfant, moi aussi j'adorais être le centre de l'attention. Les enfants aimaient bien l'être et selon ce qu'elle m'avait dit, une fois que je pouvais en faire, je ne m'étais pas privé de provoquer des petits accidents, comme la chute de son vase préféré quand elle avait eu des invités. Je devais être turbulent étant enfant. Je ne me souviens de pas grand chose en ce qui concerne cette époque, je ne me souvenais de mon père que par une photo. Et le souvenir que j'avais de lui lors de nos dites 'retrouvailles' qui fut quelques peu catastrophiques. Il était parti alors que je n'avais que quatre ans, alors je suppose que c'est normal que je ne me souvienne pas de lui lors de la belle époque. C'est comme ça que ma mère appelle le temps où nous n'avions pas de soucis et où mon père était là, à ses côtés. Pourtant je voyais bien que ça lui faisait du mal de penser ça. Heureusement que maintenant elle avait quelqu'un à ses côtés, ça devait lui faire du bien depuis tout ce temps. Elle n'avait jamais voulu fréquenter d'autres hommes jusqu'à ce que je sois majeur. Pour elle mais surtout pour moi, alors que c'était quelque chose que je lui souhaitais car la voir seule ne me plaisait pas. Et Shanaé me rappelait cet état d'esprit, être seule et s'occuper de son enfant. J'espérais au fond qu'elle change d'avis. Je souriais à Rose et prononça à son attention :

« Alors comme ça, tu es un vrai petit démon ? Tu caches bien ton jeu avec moi hm ? »

Et c'est vrai que j'avais l'impression d'avoir un petit ange dans les bras, preuve qu'elle était sûrement contente de voir quelqu'un d'autre. J'étais amusé de voir à quel point elle changeait de comportement en ma présence ce jour-là. Elle me souriait et j'avais le sentiment que ça l'amusait aussi, même si je devais sûrement me faire des films.

- Mh.. Tu bois quoi en mangeant ?

Je leva les yeux vers Shanaé à l'entente de sa question. Elle repoussait ses cheveux en arrière, je la contempla quelques instants avant de prendre conscience que je devais répondre. Aucune autre fille ne m'avait jamais fais cet effet-là avant. Et pourtant j'en avais vu passé chez moi... Mais un simple geste, un simple regard de sa part m'attirait complètement vers elle. Et je savais, à présent, que je commençais à connaître la nature des sentiments que je ressentais à son égard. Je me demandais comment j'avais pu en arriver là, comment elle pouvait m'attirer autant rien qu'en bougeant ses cheveux. Il fallait vraiment espérer que ma patience s'élargisse, car j'avais toujours une irrésistible envie de m'approcher d'elle et de l'embrasser. Mais je ne fis rien, et je ne le ferais pas avant longtemps je suppose. Je savais que ça allait l'éloigner de moi. Ce n'était pas ce que je voulais.

« Ce que tu bois. Tout m'ira »

Elle se dirigea vers son réfrigérateur, son regard était plus brillant que d'habitude et un léger sourire flottait de nouveau sur ses lèvres. Elle était vraiment différente de nos rencontres précédentes. Il faut dire que je manquais vraiment de tact, et faire un faux pas avec une personne déjà très méfiante, c'était souvent rédhibitoire. Si j'avais abandonné et n'aurait pas été aussi insistant, sûrement que nous ne nous serions plus vraiment vu. Ou du moins parler.

- Je ne peux choisir à ta place..

Je lui souris et la regarda sortir une bouteille de vin qui semblait avoir été déjà ouverte auparavant. Je feinta de lever les yeux au ciel en lui soufflant :

« Mais si tu peux »

Sur le coup je m'étais demandé comment j'aurais fais si elle aimait ce que moi je n'aimais pas, me voyant mal lui dire que finalement, je préférais choisir moi-même ce que je voulais boire. Mais du vin, alors là ! Ça faisait vraiment l'affaire. Surtout moi, qui adorait boire dès que l'occasion s'en présentait. Une fois le biberon de Rose terminé je lui enleva et Shanaé le posa dans l'envier, puis prit son temps pour la faire changer de position. Je me laissa faire, ne sachant vraiment pas comment je devais m'y prendre, puis sentit ses mains sur mon épaule. Ses gestes étaient lents, et le contact me fit légèrement frissonner.

- Maintenant, elle doit faire son rot. Elle sursautera un peu alors ne t’en fais pas si tu la sens bouger. J’ai mis un bavoir au cas où le lait repasserait, ça ne te salira pas comme ça.

Je décela une once de rougeur sur ses joues, ce qui me fit sourire. Elle était proche de moi, un peu trop, et me fixait du regard. Je sentis Rose s'agiter légèrement puis se calma à nouveau, légèrement endormie. Je ne quittais pas le regard de la brune pour autant, qui n'avait fait aucun pas en arrière. Je me rapprocha alors légèrement d'elle et pencha mon visage vers le sien. On était qu'à quelques millimètres l'un de l'autre, mais je me repris rapidement, ferma les yeux fortement durant quelques secondes, me disant que là, je venais de faire ce que je n'aurais pas du, et releva vivement la tête. J'avais pu sentir son souffle sur mes lèvres, j'avais tellement eu envie de l'embrasser... Mais je n'avais rien fait, or je savais déjà que ne serais-ce que mon rapprochement allait la refermer à moi. Mais bon sang ce que je n'avais pas pu résister.

« Excuse moi. »

Mon cœur battit plus fort, la peur au ventre de la voir s'éloigner, me mettre une gifle, reprendre sa fille et me foutre à la porte.

Comme je le présentais, elle se refermait à vue d'œil. Il n'y avait plus une once de pétillement dans son regard, elle semblait ailleurs. Elle reprit Rose, prenant soin de ne pas me regarder. Mais pourquoi j'avais fais ça, moi ? Enfin, je savais pourquoi. Parce que j'en avais vraiment envie. Et pas depuis aujourd'hui ni hier. Je me l'étais constamment caché, je ne voulais pas le savoir. Mais je ne pouvais plus le nier à présent.

- Je vais mettre Rose à dormir, dans sa chambre.

J'hocha la tête doucement, même si elle continuait à ne pas me regarder. Une fois qu'elle fut sorti de la pièce, je passa une main sur mon visage.

« Andrew, t'es vraiment con. »

Je l'avais murmuré en secouant la tête mais resta là. J'avais envie de partir d'un côté, parce que le fait que je ne pouvais pas m'empêcher d'une telle chose, et qu'elle me rende ainsi, tout ça me déstabilisait et j'étais perdu. Mais je n'en fis rien, déjà étonné qu'elle ne me mette pas à la porte à coup de pied aux fesses. Je soupira me pinçant les lèvres. Elle revint assez rapidement, je la fixa, attendant une réaction, un geste. Je voulais savoir comment elle l'avait vraiment prit. Mais, en même temps, je préférais ne plus en parler. Je me rapprocha d'elle et la rejoignit à la table, et m'y asseya, la regardant nous servir la nourriture qu'elle avait préparé, puis remplir nos verres de vin.

- Ecoute, je ne sais pas.

Elle avait enfin lever les yeux vers moi, et je fus surpris de voir que ses joues étaient rouges. Pourquoi rougissait-elle ? Peut-être était-elle gênée de ce que j'avais voulu faire. Elle ne savait pas... Oui je m'en doutais. Je la brusquais constamment, je la poussais toujours à me dire des choses à son sujet, à me sourire, à avoir une réaction. Elle n'avait pas l'habitude de tout ça, et voilà que je faisais un pas vraiment précipité. Du moins, de son point de vue, ce que je comprenais, mais du mien, c'était tout autre. Dès que je la voyais je voulais m'approcher d'elle et dès qu'elle me répondait froidement ou bien s'éloignait, je n'avais qu'une envie, c'était la rattraper et poser mes lèvres sur les siennes pour qu'elle arrête de me repousser constamment. Mais je ne pouvais pas, je le savais bien. Il fallait vraiment être patient. Je secoua la tête à son attention puis plongea mon regard dans le sien.

« Non, je n'aurais pas du. Je ne le referais plus. »

Je baissa le regard vers mon assiette, les mains croisées sur la table, puis attrapa mon verre et en but une gorgée. J'en avais bien besoin à ce moment-là. Ma dernière phrase allait contre mes envies, parce que tout ce que je voulais, il fallait bien le dire, c'était tout le contraire. Et recommencer. Mais j'avais bien vu son changement de comportement. Elle s'éloignerait d'avantage, sinon. Non ? Alors j'avais dis ça, voulant la rassurer, voulant qu'elle reste comme elle était il y a quelques minutes. Voulant, surtout, revoir son sourire, certes discret et fin, mais son sourire quand même.

- Andrew.. Ce n’est pas toi. Je.. J’en ai envie. J’en ai aussi envie. C’est juste que.. J’ai un peu de mal. Mais oui, j’en ai envie.

Je posa mon verre de vin sur la table, prenant le temps de comprendre parfaitement ce qu'elle venait de me dire. Alors, elle en avait eu envie aussi ? Cette idée me donna un léger sourire sur les lèvres, la regardant, hésitante. Je passa ma langue sur mes lèvres histoire de recueillir les quelques gouttes de vin qui pouvaient y être puis baissa les yeux sur ses mains s'entortillant entre elles.

- Désoler.. Je.. Tu ne dois pas comprendre ce qui m’arrive.. C’est compliqué.

Je me gratta l'arrière de la tête en me demandant si je pouvais réellement comprendre ce qu'elle ressentait. Je pouvais essayer de deviner ce que cela faisait, mais ne l'ayant pas vécu, il est vrai que j'avais du mal à savoir ce qu'elle ressentait à ce moment précis, ce qu'elle voulait, ou ne voulait pas. Mais cela se voyait qu'elle non plus n'en savait trop rien. Elle ne voulait pas souffrir, elle me l'avait bien dit tout à l'heure lorsque nous étions dans le canapé. J'étais maladroit, sans aucun tact et je ne faisais jamais attention à ce que ressentait mon vis à vis face à mes paroles ou à mes gestes. Je n'étais pas doué en relations humaines, et encore moins en relations amoureuses, n'en ayant jamais eu. Plus j'y réfléchissais, plus j'avais envie de me cogner la tête contre un mur. J'avais tellement envie d'être près d'elle, mais d'un côté j'avais tellement peur de la faire souffrir. Elle avait tellement souffert, si je faisais ne serait-ce qu'un pas de travers, elle allait en pâtir encore plus. Et je ne voulais pas de ça, pas du tout. Je n'étais vraiment pas le mec idéal pour se réconcilier avec l'amour. Vraiment pas. Je la regarda jouer avec ses cheveux un instant. Je ne l'étais pas, mais qu'est-ce que j'aurais donné pour l'être, là maintenant.

« Je comprends que tu hésites. J'attendrais que tu sois prête. »

Un dilemme se lisait clairement dans ses yeux. Faire un pas en avant et prendre le risque de souffrir, ou attendre. Ou même pourquoi pas ne jamais faire ce dit pas en avant. Je ne savais pas à quoi elle pensait, il était toujours difficile pour moi de savoir comment elle allait réagir, pas comme avec les gens que j'avais l'habitude de croiser chaque jour. J'en avais un également qui se jouait dans ma tête, mais le repoussa au loin, très loin. Je ne voulais pas la faire souffrir, alors l'idée de m'éloigner d'elle assez pour rester uniquement son ami m'effleurait l'esprit -ou même disparaître de sa vie si c'était ce qu'elle aurait préféré- mais je voulais tellement être avec elle quand je ne l'étais pas. Alors je n'y pensa plus, me disant que ça n'apporterait rien, de toute manière, hormis un mal de crâne. Je leva les yeux vers ceux de Shanaé. Si je n'étais pas un mec bien pour elle, et bon sang que je savais que je ne l'étais pas, j'essaierais de le devenir du mieux que je peux.

Je la regardais jouer avec ses cheveux, passant de temps à autre mon regard de ses prunelles à cette main qui jouait avec certaines de ses mèches. Je la trouvais tellement belle..

- Non. Si ça arrive encore, fais-le. Parce que je n’en serais pas capable et je veux essayer.

Je lui souriais en penchant légèrement la tête sur le côté. Sa réponse me faisait plaisir. Moi aussi je voulais essayer. Voir si l'embrasser serait différent que d'embrasser une autre. Sa présence était différente, elle me faisait un effet que jamais je n'avais connu. Son contact me faisait frissonner et je ne pouvais pas détacher mes yeux de son regard ou de son sourire quand j'étais avec elle. Alors, qu'est-ce que je ressentirais si je pouvais enfin l'embrasser ? J'avais été tellement obnubilé par ça un de ces soirs. Même si j'étais complètement bourré, je m'étais étalé sur le sol en imaginant ses lèvres et en ne pensant qu'à celles-ci. Je crois même que j'avais pleinement dit quelque chose qui ressemblait à Shanaé mais qui devait en réalité avoir été dit comme "Shnaa"... Je me demandais ce que ça ferait de l'embrasser. Et si je comprendrais enfin si tout ce que je ressentais avait un nom. J'avais peur de l'entendre, ce nom. Mais je voulais savoir, je voulais connaître ce que j'avais en moi. Quoi de plus normal ? J'avais trop fuit devant eux. Je devais les affronter après tout. Les fuir ne les faisait pas disparaître. Loin de là. Plus j'avais essayé de fuir ne serait-ce qu'une émotion, un sentiment que je ressentais vis à vis de la brune, c'était bien pire après.

- Vas-y, mange ou ton assiette sera froide.

J'avoue que sur le coup, j'avais complètement oublié cette assiette. Je pris donc ma fourchette et commença à manger.

« Oui, tu as raison. C'est très bon en tout cas, tu cuisines bien »

Et en effet ça l'était. Ce n'était pas un de ces compliments que l'on dit pour être poli. Je ne savais pas faire ça, de toute manière. J'étais franc le plus possible, sauf quand il s'agissait de manipuler certaines personnes et que, parfois, le mensonge m'était indispensable. Mais je ne voulais pas penser à ce genre de chose, pas maintenant en tout cas. Je regarda Shanaé qui elle n'avait pas l'air d'avoir très faim.

« Tu n'as pas faim ? »

Elle attrapa ses couverts, mangeant un peu. Je me demandais si elle mangeait correctement, vu les portions qu'elle avait mise dans son assiette. Je la regarda, comme pour m'assurer qu'elle allait vraiment manger ce qu'elle avait devant elle. Ca me faisait bizarre de m'inquiéter pour quelqu'un, quelqu'un d'autre que moi évidemment. Mais j'aimais bien, au final. Je continua de manger tout en la regardant régulièrement, lançant des regards parfois discret.

- Ce n’est pas si mauvais que ça.. ? Je n’ai jamais cuisiné pour personne alors..

« Non, rassure toi, j'adore. Mais... Contacte une ambulance au cas où. »

Je lui souris, lançant la vanne comme un réflexe, puis lui fis un clin d'œil. Personnellement je ne cuisinais plus depuis que j'étais ici, il m'arrivait parfois de ne pas manger et de me contenter de boire, mais quand j'étais chez ma mère, c'était toujours moi qui le faisait. Y étant resté jusqu'à mes vingt-et-un ans, je peux affirmer ne pas être trop trop mauvais en cuisine. En tout cas, ce qu'avait fait la jeune femme était excellent. De mon point de vue en tout cas.

- Merci beaucoup Drew.

Je souris de nouveau légèrement. Décidément, elle aimait bien mon surnom. Puis, cela me faisait l'impression d'être plus proche d'elle. Il est vrai que son ton doux tout en utilisant le surnom "Drew" était très différent du ton froid et distant quand elle m'appelait "Andrew" comme pour me réprimander sur ce que j'avais dis, ou fait. Je garda mon sourire un moment, puis termina mon assiette. Je n'étais pas le genre à prendre deux heures pour manger, même si je prenais mon temps. A croire que j'étais pressé naturellement. Voilà pourquoi je devais être peu patient, ça expliquait ce défaut dont j'étais doté. J'attrapa mon verre et le termina également. Qu'il était bon ce vin ! Tout était parfait selon moi. Après tout, qui refuserait un bon plat, un bon vin, et une si belle femme à votre table ? Personne. Et surtout pas moi. Surtout si cette femme, c'était elle.

« Tu manges peu à ce que je vois. Va falloir y remédier »

Ça pouvait ne pas être bon si elle n'arrêtait pas de manger de manière réduite. Et je ne voulais pas qu'elle ai des problèmes de santé, ou qu'elle s'alimente peu. Mon ton était néanmoins toujours doux, avec parfois une pointe de plaisanterie. On s'était peu parlé, mais j'avais l'impression de la connaître depuis longtemps. Même si j'avais beaucoup de chose à découvrir sur elle, et ça m'allait parfaitement. Nos regards parlaient pour nous. Je n'avais jamais connu ça. Je parlais pour m'exprimer, ça avait toujours été ainsi après tout. Que ce soit du négatif, ou du positif. Rien ne transparaissait dans mon regard. Sauf avec elle. Elle bousculait vraiment tout ce que j'avais pu croire, et je devrais visiblement m'en habituer.

- Ce serait le comble de cette soirée.

Je lui souris et ria légèrement, un rire chaleureux et grave, puis hocha la tête.

« Oui, tu as raison. »

Une fois terminé mon assiette, je pu remarqué que, elle, elle en était loin. Bon il fallait dire aussi que, à côté de mon impatience et de toujours me pressé dans mes gestes et dans mes actes, j'aimais bien manger. Il m'arrivait de ne pas le faire, évidemment, préférant parfois une cigarette à une assiette bien remplie. Mais quand j'avais quelque chose que j'aimais sous les yeux, ça ne faisait pas long feu. J'étais gourmand, voilà un mot que je pouvais facilement m'associer. Et cela pouvait bien se voir. Quand je pouvais me resservir de quelque chose, je le faisais, je ne m'en privais pas. Que ce soit au niveau des boissons que de la nourriture.

- J’ai toujours mangé ainsi. Jamais plus et jamais moins. C’est mon habitude donc.. Je ne la changerais pas.

Je fis une légère grimace en la regardant.

« Ok, je comprends pourquoi t'es toute fine »

Je lui adressa un sourire, retenant un autre mot que j'allais prononcer. Je devais perdre quelques habitudes si je ne voulais pas perdre ce que l'on essayait de construire petit à petit. "Aussi bien foutue", aurait été ma phrase normale, naturellement dite. Je ne disais jamais "belle" "mignonne", j'avais toujours qualifié un physique ainsi. "bien foutue" "bien faite", toutes les déclinaisons possibles, mais jamais je n'y rajoutais ce que je pensais de la personne hormis son physique. Pour moi, ces mots là, voulait également dire autre chose. Je me voyais mal dire à une fille que je la trouvais belle. Parce que quand je voyais une fille, ce n'était que pour un soir. Alors ces mots là, je m'en passais volontiers. Pourtant, je trouvais Shanaé belle quand elle me regardait, magnifique quand elle jouait avec ses cheveux ou qu'elle me souriait, et mignonne quand elle mangeait comme ça, ou me taquinait doucement. Tout ça pour une seule et unique personne. Ça faisait beaucoup pour moi. Et pourtant, elle l'était.

- Que veux-tu faire maintenant ? Regarder la télé en mangeant un dessert ? A moins que tu ne veuilles repartir..

Partir ? Comment aurais-je envie de partir ? J'aurais bien trop peur de louper des moments semblables à ce que l'on passait en ce moment même. Puis, si je partais, est-ce qu'à notre prochaine rencontre, elle serait pareille avec moi .. ? Je me posais la question brièvement, mais la repoussa pour plus tard. Elle serait comme elle voudrait, je n'y pouvais rien. Puis, elle n'était pas comme ça pour l'instant. Je voulais en profiter au maximum, être près d'elle tant qu'elle le voulait bien.

« Je n'ai rien de prévu alors non, je ne comptes pas partir tout de suite. Je préfère la première option. »

Je lui souriais. De toute manière, même si j'avais un cours ou un rendez-vous, qu'importe, je serais resté.

- Alors va pour le canapé ! Euh.. Chips, glace, cookies ?

Je me leva tandis qu'elle débarrassait et nettoyait la table, puis m'étira félinement en levant les bras au-dessus de ma tête. Je la regarda sortir une boîte remplie de cookies puis m'expliquer où se trouvait les aliments qu'elle venait de me citer. Je lui souris et hocha la tête.

« Je te rejoins »

Je la laissa aller s'installer près de la télévision et me dirigea vers les cookies qui se trouvaient devant moi et en attrapa un. Venant de les voir je ne pouvais pas décidément pas ne pas en prendre. Ma légendaire gourmandise prenait le dessus dès qu'on me présentait de la nourriture. Je croqua dedans et alla la rejoindre devant la télévision, ne réalisant pas vraiment que nous passions un vrai moment ensemble.

- Quel genre de film tu veux voir ? Action ? Dramatique ? Comédie ? Romantique ?

Je parti m'asseoir à ses côtés sans pour autant me coller à elle. Il ne fallait pas abuser non plus. Shanaé était déjà bien gentille de me laisser chez elle et de m'avoir invité à sa table, je n'allais pas non plus la prendre dans mes bras comme si tout ça était normal. C'était nouveau pour elle comme pour moi. Bon, certes, elle avait sûrement d'avantage l'habitude de tendresse ayant été avec quelqu'un, mais je comprenais pourquoi elle en avait été réticente vu ce qu'il avait finit par lui faire subir. Quant à moi, hé bien je n'avais jamais été réellement tendre avec quelqu'un. Si on ne prenait pas en compte mes amies, dont quelques personnes que je prenais parfois dans mes bras, comme Melody que je considérais comme ma sœur, ou Billie que je considérais comme un mec. Hormis ça, je n'étais jamais à l'aise avec le contact humain. Parce que ce n'était pas dans mes habitudes. Même si j'avais vraiment envie d'être le plus proche possible de la brune. Je resta néanmoins tout près d'elle, un bras sur le haut du fauteuil. Et si elle voulait venir dans mes bras durant le film, j'en serais ravi.

« Hmm.. Je serais plus pour un film d'action. Ou un film d'horreur »

Je lui souriais franchement à ma dernière phrase. J'aimais bien les films d'horreurs, mais c'était surtout un prétexte pour me mettre d'avantage contre elle si, elle, en avait peur. Les films romantiques, très peu pour moi. Je détestais vraiment ça et je n'arrivais pas à les regarder. Ça m'écœurait, et je m'en amusais franchement. Les drames ne me disaient rien non plus, quant aux autres genres, ils m'allaient tous aussi bien.

Elle zappa de chaine et tomba sur un film d'horreur qui commençait à peine. L'atmosphère était plutôt sombre et dès le début on se doutait que le film tournerait autour de meurtres peu soft. Il avait l'air de mauvais goût, avec une bande de jeunes allant en vacances dans une maison reculée, le plus gros cliché des films d'horreur. Mais je m'amusa néanmoins à regarder le film puis, parfois, de voir les réactions de la jeune femme aux scènes de poursuites ou de meurtres.

- Je.. Je dois t’avouer quelque chose. Je suis une sacrée froussarde. J’ai peur de tout.

Terminant mon cookie rapidement, je me retourna vers elle et un sourire s'étira sur mes lèvres, tandis que des cris retentissaient dans la télévision.

« Je suis là au cas où tu as peur. »

Je me déconcentra un instant du film pour garder mes yeux sur le visage de Shanaé, puis retourna de nouveau mon regard vers la télévision. Il y avait une énorme marre de sang en évidence, dans une pièce sombre, très peu éclairée, semblable à une cave. On vit par la suite une main gantée éteindre les lumières de la maison, quelque chose à la main ressemblant à un couteau de boucher à quelque chose du genre. C'était vraiment bateau comme scénario, ils n'avaient pas chercher bien loin. J'aimais bien le cinéma, même si je n'avais pas souvent les moyens pour me payer une place de cinéma, je devais souvent resquiller. Mais je m'y intéressais tout de même et regardait un peu de tout en évitant soigneusement tout ce qui était fleur bleue ou dramatique à souhait.

- J’espère que ce n’est pas aussi sanguinolent tout le long du film où je vais vite aller vomir !

Je me tourna vers elle et passa un doigt sur sa joue avant de le reposer délicatement sur le haut du canapé. Son rire me réchauffa et me détacha complètement du film.

« Ne regarde pas si tu veux. Moi ça ne me fait rien »

Voir des gens mourir ou même torturés ne me faisaient pas grand chose en effet, sauf pour quelques films vraiment bien tournés qui étaient plus du genre horreur que gore, où je pouvais vraiment flipper. Mais la plupart du temps, je pouvais le regarder tout en mangeant et cela ne me faisait rien du tout. Je n'étais pas sensible à ce genre de chose, surtout quand le film ne me plaisait pas vraiment. Mais l'important, c'était de passé ce moment là avec elle.