All you need is drug

Un sale gosse de riche. Voilà ce qu'était Andréa Eneko Donovan. Parfois - pour ne pas dire « souvent » -, je me demande ce que je peux bien foutre avec lui. Il me fout toujours dans la merde la plus noire et le pire, c'est qu'il ne le fait même pas exprès. Ce matin, par exemple, me voilà convoqué chez le proviseur par la blondasse du microphone que personne n'a jamais vu - mais j'en suis certain, c'est une blondasse. À peine ai-je poussé la porte de l'antre mystique, où je n'avais jamais mis les pieds auparavant, que le proviseur me foudroie du regard, comme si j'avais rayé au canif sa nouvelle décapotable.

« - JOHNSON ! hurlait-t-il de sa voix menaçante avant même que j'ose poser mes fesses sur le fauteuil gris. Dans un certain étranglement, je ne pouvais répondre que:
- Ouiiiii..?
- Devinez sur qui nous sommes tomber ce matin !
- Euh.. le père Noël ?
- NON ! Cessez donc d'être insolent ! Nous avons croiser Monsieur Donovan se balader dans les couloirs avec ceci. dit-il, rougissant à vue d'oeil, en posant sur son bureau un gros sachet de poudre blanche.
- C'est quoi ?
- Ne faites pas l'innocent !
- Ok mais je vois pas en quoi je suis mêlé à tout ça !
- Donovan a tenté de me faire croire que c'était du lait en poudre pour votre bébé mais je ne suis pas dupe ! »

J'ai bien cru qu'il allait me faire un infarctus et claquer sous mes yeux. Je l'observais en train de s'asseoir, à bout de souffle. Je levais un sourcil. Pour une fois, Andréa n'avait pas sorti un de ces lugubres mensonges : c'était la vérité. Manquant de temps, je lui avais demandé d'acheter du lait en poudre pour Siofra et cet idiot n'avait rien trouvé de mieux que de se ramener avec le sachet à l'université alors qu'une réputation de dealer lui collait aux baskets. Maintenant, je passais pour son client.

« - Mais.. c'est vraiment du lait en poudre.. m'sieur. »

J'avais plus qu'à prier pour qu'Andréa ait pas confondu sa coke quotidienne et le lait en poudre. Le connaissant, il était bien capable de laver son linge à la cocaïne et de se faire un rail de poudre à lessiver.

« - Il suffit, Tyler ! Vous êtes renvoyé pour la fin de la semaine ! »

Je sortais du bureau penaud, en me demandant comment j'allais bien pouvoir expliquer mon renvoi à Lily. Je traînais dans les couloirs sans savoir où aller jusqu'à ce que je tombe sur l'affiche accrochée sur une porte disant : « Salle de détente. » J'entrais sans frapper. Un gros nuage de fumée bleue englobait la pièce. Il n'y avait personne mis à part une tignasse bouclée qui dépassait largement du dossier du fauteuil rouge, planté au milieu de la pièce. Je me jetais dessus, sachant déjà à qui j'avais affaire.

« - Andréa, t'es qu'un enfoiré, je vais t'étrangler ! »

« Vous êtes renvoyé pour deux semaines, Donovan ! Hors de ma vue ! » Andréa hausse les épaules et quitte le bureau du directeur de l'université alors que la cloche se met à sonner. De nombreux élèves le bousculent, ses concurrents le scrutent d'un regard noir et ses clients lui adressent un sourire timide. D'ailleurs, une étudiante blonde, plutôt bien gaulée, vient à sa rencontre. Andréa la connait : c'est une cheerleader d'UCLA. Elle vient fréquemment lui demander de la cocaïne pour tenir le coup pendant les périodes d'examen. « Salut Andréa. Tu as... ce qu'il me faut ? » Le jeune homme se penche vers elle, en confidences. « Je me suis fait renvoyé, y a pas intérêt à ce que je me fasse encore prendre. Passe chez moi ce soir avec l'argent. » La cheerleader hoche la tête et s'éloigne pour finir par disparaître dans la foule.

Après un renvoi, tout étudiant est censé quitter l'établissement dans l'heure et ne revenir qu'à la date convenue mais Andréa n'a jamais été de ceux qui respectaient la loi. Il se glisse jusqu'à la salle de détente des étudiants en médecine et s'installe dans un fauteuil. Il sort de son sac un téléphone portable qui peut également lui servir d'ordinateur. C'est le dernier modèle sur le marché et il lui a coûté une jambe. Vu qu'il est seul, Andréa en profite pour envoyer un message à Tyler (en priant pour qu'il ait son portable sur lui) : « Hi Tyou, je me suis fait renvoyer à cause de ton fichu lait en poudre xD Je t'attends à la salle de détente pour que tu expliques à ce con de directeur que c'est pas de la coke. » L'histoire est tellement drôle et le malentendu tellement gros qu'Andréa ne peut s'empêcher de sourire.

Alors qu'il commence à somnoler dans le fauteuil, il sent quelque chose se jeter sur lui. Le siège se renverse et en se retournant, Andréa reconnait le visage rouge de colère de Tyler. « Andréa, t'es qu'un enfoiré, je vais t'étrangler ! » Andréa s'agite sous les mains de Tyler qui se resserrent autour de sa gorge. Lorsqu'il arrive à se dégager, il met son pied dans la figure de son meilleur ami pour le tenir à distance. Ty tombe en arrière avec la marque rouge des semelles des chaussures d'Andréa. « T'es devenu fou ou quoi ? Je me suis fait renvoyer, tu vas aggraver mon cas si on nous choppe comme ça, ducon ! » Andréa soupire bruyamment et se relève en râlant. « Génial, par ta faute, ma nouvelle chemise est froissée. Tu sais combien ça me coûte le pressing ? »