Je continuais à ranger mes affaires du mieux que possible dans mon sac, ayant parfois du mal à en passer certaines vu le peu d'organisation que je mettais également dans un unique sac. Je força d'avantage et poussa d'un geste de la main les affaires pour qu'elles logent toutes, peu importe si elles n'étaient pas très bien pliées à l'intérieur.

- Non, je suis bien là.

Je lui fis un léger sourire, surpris qu'elle ne se sente pas mal à l'aise à l'intérieur de ma chambre. J'aurais pu comprendre si tel était le cas, vu qu'elle me connaissait parfaitement à travers ce que tous pouvait voir à mon sujet. Qui plus est, être Phi Theta n'arrangeait rien à cette image qui pourtant me collait parfaitement. Je leva mon sac et le secoua légèrement histoire que toutes les affaires aillent au fond pour ainsi le refermer sans avoir à forcer comme un forcené. Je le jeta au pied de mon lit sans faire plus attention que cela, et m'approcha de Shanaé, qui venait de s'asseoir sur mon lit. Je comprenais pourquoi ce mec avait imaginé que c'était une des filles que je mettais dans mon lit, nous étions tous pareil dans cette confrérie. Mais j'étais persuadé qu'à la vue de ma main dans la sienne, il avait sûrement tiqué. Ils avaient tous la même vision que moi sur l'amour et les couples après tout, alors je comprenais parfaitement. Ou plutôt, la vision qui s'effaçait parfois quand j'étais en compagnie de la brune. Il m'arrivait clairement d'oublier la peur profonde que j'avais rien qu'à l'idée que nous nous mettions vraiment "ensemble", que des responsabilités me soient donnés. Je voulais toujours ne pas y songer car quand ces pensées revenaient, elles étaient loin d'être agréables. Je me mis devant elle et me pencha en avant pour déposer un baiser sur ses lèvres. Puis je passa ma main sur sa joue en lui souriant, mon regard dans le sien.

En me reculant, je ne pu m'empêcher de penser que l'image que donnait ma chambre n'allait pas avec Shanaé, ou pas ce que j'imaginais pour elle. J'avais vingt-trois ans après tout, et je n'avais toujours pas eu de logement à moi. Je vivais dans une chambre universitaire dans une confrérie, assez spacieuse sans vraiment l'être. Tout ici reflétait ma manière de vivre, que ce soit l'odeur de cigarette qui régnait encore dans la chambre, la bouteille d'alcool à moitié pleine près du lit, le bordel que j'avais mis dans un coin de la pièce, et j'étais sûr que si j'ouvrais ma commode, on y trouvait des préservatifs. C'était vraiment pas un endroit pour elle à mes yeux. Je me dis que de toute manière, si on voulait se voir, on irait chez elle, pas ici. Je cacha un soupire qui reflétait parfaitement mon état d'esprit à ce moment-là. Je prenais conscience de certaines choses, choses que j'oublierais sûrement le lendemain pour ne pas bousculer trop mes habitudes. Heureusement qu'elle était là, je voyais maintenant que sa présence était vraiment vital pour que je réussisse à passer certains caps qui ne me feraient que grandir. J'avais eu peur de souffrir, peur d'être déçu de quoique ce soit à nouveau. Alors j'avais adopté ce style de vie, et ça depuis tellement longtemps. Shanaé près de moi, je voyais autrement certaines choses. Elle m'apaisait, comme tout à l'heure dans le couloir quand elle avait caressé mon bras, cela m'avait calmé et je m'étais contenté de passer mon chemin au lieu de m'énerver sur ce pauvre type qui ne m'avait absolument rien fait, et que j'aimais bien d'ailleurs.

Jusqu'à ce qu'elle me quitte réellement pour ne plus me voir, et je retomberais de nouveau dans ce style de vie que j'organiserais de façon à ne plus jamais penser à elle, ce qui serait peine perdu, et j'enchainerais connerie sur connerie, fête sur fête, conquête sur conquête. Je secoua la tête légèrement pour chasser ces pensées de mon esprit. Non, je n'allais pas commencer à penser à cela, ce n'était pas bon du tout. J'attrapa mon portable et l'éteignit rapidement, songeant qu'à présent, personne ne pourrait me déranger comme la dernière fois. Que ce soit mon prof ou quelqu'un d'autre. Une fois fait je le mis néanmoins dans ma poche et, après avoir fait rapidement le tour de ma chambre et attraper mon sac, vint près de Shanaé. Je tendis ma main devant elle, lui souriant.

« Voilà, j'ai tout ce qu'il me faut. Si Mademoiselle est prête, nous pouvons y aller. »

Je voulais qu'on quitte rapidement cet endroit, c'était étrange mais à ce moment-là, je n'aimais pas vraiment ma chambre et je préférais qu'on aille plutôt rapidement chez la jeune femme. Je fronça les sourcils et ajouta rapidement :

« D'ailleurs je ne sais pas comment tu fais pour te sentir bien ici »

Je la laissa prendre mes affaires et les plier soigneusement, c'est vrai que c'était mieux ainsi. Je ris légèrement tout en la laissant faire, je la regarda un instant et vit qu'en effet, il restait pas mal de place dans mon sac. Dingue, moi qui à chaque fois galérait pour le fermer alors qu'il y avait moins de choses à l'intérieur que maintenant...

- Plié, c’est mieux. Tu peux même encore mettre ton doudou à l’intérieur pour ne pas pleurer ce soir.

Je souris en levant un sourcil, puis jeta un oeil au sac encore ouvert.

« Je ne crois pas que tu loges dedans »

Je lui lança un regard complice et embrassa son front quand elle vint poser sa tête sur mon épaule. La voir boire dans ma bouteille me fit sourire, m'amusant de la voir prendre ses aises. Je préférais ça plutôt que si elle était gênée et mal à l'aise.

- Hum.. Il est grand temps que tu comprennes la fille qui me hantait au lycée. Cheveux bouclés, talons aux pieds, tenues courtes sans provocations, ongles vernis.. J’étais comme ses filles.. Je passais mon temps à coucher partout, ma chambre de petite lycéenne a vite changé en vraie lycéenne. J’étais cheerleader, tout le monde m’appréciait et celui qui ne m’aimait pas me défiait. J'avais une décapotable Rose, les cheveux bouclés, enfin, tu vois. Je n’étais pas comme maintenant, puisque c’est Rose qui m’a fait grandir. J’ai très vite compris comment tout allait marcher maintenant. Cette partie me dégoute pas mal, tu gardes ça pour toi.

Je me mis à hocher la tête, toujours ravi d'en connaître d'avantage sur elle et son passé. Ce qu'elle était avant, ce qu'il lui était arrivé, ce qu'elle avait fait. Même les petits détails me plaisaient, j'en accordais beaucoup d'importance. Comme l'imaginer les cheveux bouclés, habillé différemment que maintenant avec les ongles vernis et une attitude plus libérée et plus 'folle'.

« Bien sûr que je garde ça pour moi. J'ai du mal à t'imaginer comme ça... »

J'avais vraiment du mal à me détacher de l'image que j'avais de Shanaé, celle d'aujourd'hui, qui n'était pas du tout comme avant visiblement. Moi, en y réfléchissant, je n'avais pas vraiment changé. Et pour cause, je n'avais pas voulu changer, tout simplement. Bien sûr je m'étais assagis, j'avais juste garder mon style de vie. Mais à l'époque, je faisais bien plus de conneries, j'avais fais tout et n'importe quoi et je crois que je n'avais jamais vu un hôpital aussi souvent.

« Tu sais moi... J'étais à peu près pareil qu'aujourd'hui à la différence qu'avant, j'enchaînais les conneries autant que possible. Que ce soit aller provoquer une bande de jeune alors que j'étais seul, sauter dans une piscine alors que j'étais sur le toit de la maison, voler des gens... Ça non plus je n'en suis pas fier, je crois que maintenant tu fais parti des seules personnes qui en sachent autant à mon sujet. »

Je ne la connaissais pas depuis bien longtemps en y réfléchissant, mais pourtant, je n'étais jamais mal à l'aise en parlant de mon passé, de ce que j'étais ou avais fait. Bon bien sûr, en parlant de mon père, c'était différent car il restait un sujet sensible. Mais j'avais envie de me confier, de lui faire confiance. Alors qu'avec les autres, c'était tout le contraire. Je me recula d'elle et attrapa mon sac pour le mettre sur mon épaule. Je lui fis un sourire, lui attrapa la main puis...

« On y va ? »

- Et tu ne sais pas tout ! Je n’avais pas beaucoup de temps à ce moment-là pour passer d’un rencart à un autre, donc je me changeais et puis je laissais tout trainer. Vêtements, bouteilles, nourriture, linge sale, plein de choses de ce genre. J’avais une chambre de gars et non de fille.. Donc c’est pour ça que je ne suis pas du tout dégoutée, loin de là. Je sais que c’est toi.

Je riais doucement, m'amusant à imaginer la scène, et également heureux de la voir se confier à moi, même sur les choses dont elle n'était pas réellement fière. Sa caresse sur mon bras m'apaisait et me faisait du bien, je la laissa faire tout en la regardant tendrement. A ce moment-là plus que jamais je savais que les sentiments que j'éprouvais pour elle était bien réels.

- Je te montrerais des photos, j’en ai pas mal. Je les ais gardées pour Rose, pour qu’elle puisse se moquer de sa maman.

« Oh oui j'ai hâte de voir ça ! »

Lorsqu'elle posa son menton sur mon épaule je passa mes bras autour d'elle, en profitant pour effectuer de légères caresses comme elle le faisait sur mon bras.

- Et je suis très heureuse de faire partie de ses gens. J’aime quand on échange comme ça.. Je sais maintenant que tu étais un mauvais petit garçon.

« Ca tu peux le dire. Et... Moi aussi j'aime beaucoup »

Je souriais, puis passa ma main sur sa joue. La découvrir toujours un peu plus était agréable. Je voulais prendre mon temps pour connaître ce genre de chose sur elle, mais j'aimais vraiment en découvrir dès qu'elle le voulait, qu'elle me parlait de son passé. J'aimais l'observer pour découvrir quels manies elle pouvait avoir, quel sourire elle pouvait m'adresser ou quel pétillement dans ses yeux étaient présent quand elle faisait tel ou tel chose. Je sentais qu'elle était épuisée, c'est pourquoi je me leva, lui attrapant la main, pour ensuite faire le chemin inverse, mon sac à l'épaule. L'autre Phi Theta trainait encore dans les couloirs mais ne dit rien en nous revoyant main dans la main, fort heureusement. Je ne voulais pas me prendre la tête maintenant, surtout que Shanaé avait vraiment l'air fatigué, et je ne voulais pas lui faire subir une autre altercation du genre du bar. Arrivé à la cour, le soleil refit surface, me faisant fermer légèrement les yeux. Par moment, je lâchais légèrement sa main pour passer mon bras autour de sa taille, puis changeait quand cela devenait peu confortable pour marcher. Mais je ne la lâchais pas et gardait le contact avec elle, nos épaules s'effleurant parfois.

« Tu as l'air vraiment épuisé, je vais bientôt devoir te porter jusque chez toi si ça continue »

Je lui adressa un sourire tout en continuant de marcher, me souciant peu des regards qui pouvaient croiser notre route.