Samuel bondit de son canapé au moment où son portable sonna, et se jeta sur l'iPhone tel un félin sur sa proie. Avec un peu de chance ce serait la grande absente au bataillon, disparue sans laisser de traces depuis jeudi soir, je nomme : Sasha. Ah, non, raté, c'était James, un ami de Sam. Le jeune homme se laissa glisser à terre en écoutant le message. Une invitation qui avait tout l'air d'être intéressante. Un sourire amusé naquit sur ses lèvres : qu'est-ce que James avait dégotté pour vouloir le partager ? Il se releva et se dirigea vers le frigo ; avec un peu de chance il y aurait encore un truc intéressant à emporter... Sa main trouva une bouteille de champagne. C'était déjà mieux que l'ice tea entamé, et puis, songea-t-il, ça leur donnerait une occasion de fêter quelque chose. Quoi, il n'en avait aucune idée pour le moment, mais les deux compères trouveraient bien. Ni une, ni deux, il était déjà dehors avec sa bouteille sous le bras, débraillé dans son éternel jeans et chemise noire, une barbe de deux ou trois jours lui rongeant les joues.

Un peu plus tard, il arriva devant la porte de son ami, où un homme s'acharnait à tambouriner sans discontinuer. Sam s'approcha, le regard interrogateur et il demanda ce qui se passait. Une histoire de musique trop forte. Le jeune homme soupira : ça se disait adulte, mais ça râlait comme des gosses ! Il fit mine de le comprendre et d'être d'accord avant de le repousser légèrement histoire d'avoir accès à l'appartement de Bouwer. « Je m'en occupe m'sieur. Rentrez chez vous et investissez dans les boules Quies. » Le monsieur en question n'eut pas l'air de bien le prendre mais il s'éloigna quand même. Bon, déjà une emmerde en moins. Samuel sonna en entendant la musique lui ravager les oreilles. Il devait être en pleine partouse le mec ! Le jeune homme savait que son ami touchait à la drogue alors il se doutait que ce serait probablement un gars pas très frais qui viendrait lui ouvrir... s'il daignerait lui ouvrir. James ne devait pas avoir entendu la sonnette, et ce n'était pas très étonnant. Sam ronchonna et actionna la poignée de porte. Fermée à clef. Pas le choix, on prend les grands moyens. Il sortit une vieille clé limée ; avec un peu de chance et de tact ça marcherait. Il songea que ce n'était pas très sympa de crocheter les serrures de ses amis mais il n'allait pas non plus entrer par la fenêtre. Un peu de patiente et... la porte s'ouvrit. La musique explosa ses tympans. Et il aperçut son pote en train de se défoncer allègrement en compagnie de deux blondes bien foutues. Samuel eut un pincement au coeur : à Londres, il avait eu pas mal d'amis dans le même cas, et d'ailleurs quelques uns ne s'en étaient pas sortis. Lui même n'avait jamais touché à la drogue sauf pour du business. Alors quand il voyait James, de vieux fantômes ressurgissaient du passé.

« Salut mec, je suis entré comme j'ai pu, je voulais pas te faire dérailler. »

Toujours s'y prendre avec des pincettes et faire comme si c'était parfaitement normal. Quant à l'humour, chez Sam, c'était naturel. Il alla baisser légèrement les décibels histoire de s'entendre parler – il n'était pas en forme pour crier – et posa sa bouteille sur la table en face de James. Faisant abstraction de la nudité de son ami et des deux filles, il s'installa face à ce premier. Il regarda sans vraiment regarder les rails de coke puis reporta son attention sur les deux blondes. Un sourire désinvolte apparut sur son visage. « T'as l'air d'avoir la forme. Tu sais que tu bécotes le sosie de ma belle mère ? » Oui, sa belle mère, ou blonde 95D comme il la surnommait secrètement. La compagne de son père de la cinquantaine aurait pu être sa grande sœur. Enfin, le monde était ce qu'il était.