Regarder à droite, puis à gauche. A quoi cela servait-il, puisque de toute façon, le flot de voitures ne s’interrompait jamais ? De jour de nuit, en vacances comme en jours de travail, jamais Beverly Hills n’était désert. Et dire que j'avais eu la bonne idée de refuser que ma collègue Amy me ramène, pour pouvoir aller faire du shopping avec elle ! Il est vrai que j'aime bien ma collègue, je pense que c'est pour ça que j'ai refusé, je suis pas le genre de mec qui est soumis aux femmes, attention j'ai un grand respect pour les femmes mais je n'aime être passif quand l'une d'entre elle m'attire. J'avais raté un vrai bon coup, vraiment... Qu'est ce que je peux être con parfois... Autant le dire, ce n’était pas ma journée… Et puis ces voitures qui ne voulaient pas s’arrêter pour laisser passer un pauvre piéton. Je pestais, puis, prenant mon courage à deux mains, je profitais d’un léger ralentissement dans la circulation pour m’élancer au milieu de la chaussée, sous les yeux grands comme des soucoupes d’une mère de famille et de sa petite fille léchant une glace. Frôlant quelques autos, évitant de justesse un taxi, me faisant klaxonner plus d’une fois, en brave homme que je suis j'arrivais tout de même sain et sauf de l’autre côté de l’avenue. Après avoir rajusté ma tenue un peu froissée par l’expédition et vérifié que je n’avais perdu aucun des papiers qui dépassaient de ma besace en courant ainsi à travers la route, je repris mon chemin. Les boutiques étaient quelques mètres devant, ce qui n’aurait rien eut d’un exploit si je n’avais pas terriblement mal aux pieds. C’est ça, de porter des Richelieu Charles toutes neuves en cours en ayant oublié que tant que les chaussures en cuir ne se sont pas fait au pied, les ampoules sont particulièrement douloureuses ! Que va-t-il m’arriver de plus ? Si ça se trouve, je vais tomber sur un psychopathe qui va me couper les mains pour enrichir sa collection ! Ou pire encore... Un instant, je me demandais s'il n'était pas mieux que je rentre chez moi de suite, avant qu’il ne m'arrive quelque chose de vraiment dramatique. Mais après tout, j'étais déjà arrivé devant les boutiques après avoir plongé sous les roues des voitures et marché plusieurs mètres dans des chaussures plus qu’inconfortables… Finalement, je décidai de rentrer dans une des premières boutiques. Polo Ralph Lauren. J'allais y rentrer quand un cri sourd m'alerta. M'arrêtant net pour regarder vers la direction d'où venait le cri, je vis une fusée me fonçait dessus. Ne comprenant pas du tout ce qu'il venait de m'arriver. J'étais à terre avec quelqu'un sur moi, une petite foule était autour de nous. Les gens disaient des mots « Monsieur... Ca va ?... Mademoiselle ?... » je repris connaissance petit à petit pour enfin souffler « Parfait... Je vais très bien. » La personne m'ayant foncée dessus était à présent debout. Un peu sous le choc je n'ai pas compris tout de suite que c'était Athena. J'étais étalé sur le sol comme une carpet. Mon corps d'athlète venait d'avoir sa dernière révérence. Je savais qu'il allait m'arriver un truc encore pire. Ben voila. Mes yeux s'ouvrirent peu à peu, Athena m'enlaçait le cou, non rassurée de me voir dans un état lamentable, j'avais eu une journée de merde...

Un fond de café, un muffin émietté et un pourboire, c’est tout ce que laisse Athena sur la table du bar qu’elle est en train de quitter. Ses cours se sont terminés à 17h30, et en sortant de l’enceinte de l’université, la jeune femme avait été prise d’une furieuse envie de café. Elle aurait bien pût aller jusqu’au café où Jess travaille, sauf qu’à cette heure-là, ce jour-ci, Athena sait qu’il ne travaille pas, donc quel intérêt ? Ainsi, elle s’est rendue dans un café plus proche, mais plus cher malheureusement. Tant pis. Elle n’est pas à quelques dollars près, de toute façon, son travail à la librairie lui rapporte assez pour qu’elle puisse payer son loyer et sortir de temps à autre en ville, seule ou avec des amis. La jeune femme s’arrête sur le trottoir, devant une entrée de métro. Elle se mord les lèvres, fourrage dans ses cheveux clairs, hésite. Elle veut aller à Beverly Hills, mais elle en est loin encore… Athena n’est pas fan du métro, en fait, elle déteste ça. Seulement, Beverly Hills est loin, et si elle s’y rend à pied, elle est obligée de passer par des petites rues assez malfamées. Athena hésite encore, puis finalement, décidé d’y aller à pied. Elle s’éloigne du métro d’un pas vif tout en pianotant sur son téléphone portable. Ce n’est pas quelques rues qui vont l’effrayer tout de même !

Téméraire Athena ? Irréfléchie, plutôt… Au bout d’un petit moment de marche, la jeune femme se dit qu’elle aurait mieux fait de prendre le métro. Elle se sent mal à l’aise dans ces petites rues. Son portable est rangé au fond de sa poche depuis bien longtemps, et son pas est plus rapide. Il fait nuit, il fait froid et l’angoisse la gagne. Pourtant, elle n’est pas du genre à avoir peur. Non, Athena, c’est la fille qui fonce sans penser aux dangers, c’est celle qui rit de tout, qui ne s’inquiète de rien. Pourtant là, elle doit avouer qu’elle commence à avoir peur. Parce qu’elle le voit bien, le groupe de trois jeunes derrière elle, qui la suit depuis déjà plusieurs rues. Elle n’est pas bête, elle entend leurs pas, et surtout leurs commentaires assez vulgaires. « Elle est bonne les gars, franch’ment, j’suis sûr qu’elle est cool à baiser. » Le cœur d’Athena se serre. Elle essaye de se raisonner, peut-être que ces garçons ne parlent pas d’elle ? Après tout, ils peuvent très bien se promener eux aussi et parler d’une autre fille qu’ils connaissent. Athena veut ranger sa paranoïa au placard, mais l’inquiétude est toujours là. A raison. « Hey mam’zelle, arrête toi, on veut te parler ! » Nul doute que c’est après ELLE qu’ils en ont. Athena accélère le pas, eux aussi. Elle se demande pourquoi c’est toujours sur elle que ça tombe… C’est vrai ça ! Sa colocataire emprunte ces rues tout le temps, et il ne lui arrive jamais rien.

« P’tain les gars, chopez-là ! » Sur ce, Athena ne réfléchit pas plus longtemps. Elle n’est plus très loin de Beverly Hills et des rues fréquentées. Alors, elle court. Elle entend les garçons crier derrière elle, se mettre à courir aussi. Elle n’ose pas se retourner, de peur de trébucher. Alors elle court, court, court encore et commence à se sentir mal… Elle n’a pas mangé depuis hier soir, pourtant c’est une grande mangeuse ! Mais elle n’avait pas faim aujourd’hui. Sa tête lui tourne un peu, pourtant, elle ne s’arrête pas. Elle déboule à Beverly Hills, sur Rodeo Drive plus précisément. Elle pourrait s’arrêter là, mais emportée par son élan, elle continue. Elle pousse un léger cri, pour prévenir les gens, parce que ses jambes ne lui répondent plus… La plupart des personnes s’écartent, mais pas toutes. Athena percute quelqu’un de plein fouet, et s’effondre sur le sol, avec la personne, sur la personne. Des étoiles dansent devant ses yeux, et sa vision est floue, la rue tourne un peu, elle a l’impression d’être sur un navire… Pourtant, elle se relève.

- Je vais bien… Je… Ca va… marmonne t’elle sans grande conviction à la foule autour d’elle. Puis elle baisse les yeux et reconnaît la personne au sol. Elle se précipite sur Jonas et l’aide à se relever.Je… C’est vous ? Désolée, pardon, c’est juste que… J’étais dans les petites rues et je… Enfin…

Athena perd ses mots, bafouille. Ce n’est pas dans son habitude d’être comme ça, mais elle se sent mal. Elle a eu peur, elle vient de courir sur des mètres alors qu’elle est sur le point de s’évanouir, et en plus, elle vient de percuter son professeur de chant et de l’envoyer au sol. Elle se met une main devant la bouche. Sa peau est tout pâle, et ses grands yeux chocolat humides de larmes.

- Je ne vous ai pas fait mal ? Désolée, c’est juste que… Ils me suivaient et ils voulaient… Enfin alors j’ai couru et… Pardon, désolée !

Athena se passe une main dans les cheveux, les larmes aux yeux, tremblante. La foule se disperse, ayant manifestement compris que Jonas et Athena se connaissent. La jeune femme inspire, tente de se calmer sans y parvenir. Elle s’en veut, parce qu’elle voit bien que Jonas n’est pas au top de la forme non plus, et que le fait de lui foncer dessus comme ça n’a rien arrangé ! Elle ravale un sanglot qui monte dangereusement, s’essuie les yeux pour chasser les larmes qui commencent à venir. Elle jette des coups d’œil angoissés autour d’elle. Les garçons qui la suivaient ont disparus de la circulation… Pourtant elle n’est pas rassurée. Athena serre les poings pour empêcher ses mains de trembler et lève ses grands yeux vers son professeur.

- Je suis… Désolée. J’ai pas réussi à m’arrêter, j’avais trop d’élan je crois et… Enfin vous ne vous êtes pas poussé, et moi je… Enfin mes jambes ne répondaient plus, c’était bizarre. Encore pardon… Désolée.

Un vertige la saisit et machinalement, elle se raccroche à Jonas pour ne pas tomber. Athena se mord les lèvres et se redresse. Elle inspire de nouveau profondément pour se calmer, elle doit se calmer !